Avant-dernier (21ème) poème des Fêtes galantes. Ultime fusion avant la disjonction de « Colloque sentimental », épilogue qui renvoie l'univers des « fêtes » au passé, au spectral, qui accomplit ce que les autres poèmes faisaient pressentir. « En Sourdine » baigne en effet dans une lumière faible et crépusculaire, prélude à la nuit « solitaire et glacée » de « Colloque sentimental ». Les personnages sont à l'unisson avec le paysage, mais le bonheur atteint grâce à l'abandon de l'être aux sensations, qui paraît déjà fragile pendant les quatre premiers quatrains, est brusquement remis en question dans le dernier.
Cinq quatrains d'heptasyllabes : à mi-chemin entre le vers court de la chanson et l'alexandrin lyrique, l'heptasyllabe convient particulièrement à cette évocation lyrique.
Le titre fait référence au rôle prépondérant joué par la musique dans le recueil, mais il évoque surtout un dispositif adapté aux instruments à cordes ou à vents, qui en atténue l'intensité sonore, et suggère par là un climat estompé, comme assourdi et un univers en demi-teinte : comment le poète introduit-il, comme dans le autres poèmes du recueil, un doute qui rend difficile toute interprétation ?
[...] - Motif d'ascension suggéré par les branches hautes chute marquée par le verbe tombera - Les arbousiers aimables et toujours verts font place aux sévères chênes noirs La rime intérieure batelée entre un mot à la fin d'un vers, et un autre à la coupe du vers précédent) entre soir et noirs insistant sur l'obscurité de la scène, qui s'est largement noircie. - Enfin, le désespoir succède aux langueurs complaisantes : la lassitude bienheureuse qui suit l'amour est le prélude à la tristesse, le masque du désespoir : double visage du plaisir dans les Fêtes galantes. L'emploi du futur suggère l'existence d'une fatalité, et cette perception du temps fatal éclaire rétrospectivement les strophes précédentes : elle conduit à vivre intensément l'instant présent. [...]
[...] Ces perceptions euphoriques sont traduites de manière synthétique par l'expression nos sens extasiés L'adjectif extasiés souligné par la diérèse, signifie étymologiquement hors de soi : en effet, ici, les amants, à la fois réunis au sein d'un couple et fondus dans le paysage, sont dépersonnalisés. Sur le plan phonique, la voyelle dominante est le a âmes extasiés parmi vagues arbousiers voyelle dite ouverte, qui correspond à l'idée d'abandon. Strophe 3. L'assoupissement de la conscience et le retour à l'individualité Cette strophe centrale du poème est constituée d'une adresse d'un amant à l'autre. [...]
[...] Chantre de l'amour, le rossignol est ici la voix du désespoir des deux amants. Mais son chant mélodieux, associé culturellement à des idées de paix estivale et d'harmonie musicale, assourdit ce désespoir, en vertu de la pudeur des sentiments excessifs qui règne dans tout le recueil des Fêtes galantes. Cf. titre du poème : il s'agit de mettre une sourdine à l'éclatement du désespoir, dans la lumière elle-même atténuée du paysage pictural. Le poème, mêlant la tonalité légère de deux amoureux devisant au pied d'un arbre et la tonalité tragique qui exprime finalement l'échec de la fusion et la solitude des protagonistes, est par là représentatif de l'ensemble du recueil. [...]
[...] La confusion des sentiments à travers le paysage - Le lexique de la mer est chargé d'évoquer l'effet de la brise sur l'herbe, ce qui crée un réseau de correspondances et d'échanges. La confusion des éléments, renforcée par un chiasme phonique : les [z]ondes de gazon est à l'image de la confusion des sentiments. - L'adjectif roux peut rendre un effet de lumière, le vert apparaissant roux dans l'éclairage tamisé et crépusculaire. Mais cette teinte peut aussi être celle de l'automne, saison que le poète associerait au climat d'amour finissant et mélancolique qui baigne les personnages. Saison équivoque, dans l'entre-deux : ce n'est ni l'été, ni l'hiver. [...]
[...] Le silence n'est pas perçu simplement comme une absence de bruit, mais comme quelque chose de dense, qui vient remplir le cœur des amants. L'expression silence profond renvoie au calme absolu de la nature, mais elle fait aussi songer au silence inquiétant associé à la mort : l'état psychologique du couple est lui-même fondé sur cette ambiguïté. Strophe 2. Le désir de fusion Le désir de fusion est marqué par l'impératif initial fondons et les trois occurrences de l'adjectif possessif nos qui exprime la fusion des amants selon les trois dimensions de l'être : spirituelle nos âmes affective nos cœurs et sensuelle nos sens Il s'agit aussi fusion du couple avec la nature représentée par les pins et les arbousiers, à travers l'utilisation de la préposition parmi Projection proprement verlainienne de l'intériorité des personnages sur les éléments extérieurs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture