Quinzième poème des Fêtes Galantes. Quatre quatrains de vers de sept syllabes. Il s'agit d'une description, sur un ton non dénué d'une certaine ironie, de personnages sans consistance, réunis le temps d'un badinage insipide. Leur processus de désindividualisation culmine dans une dissolution généralisée qui confère aux silhouettes quelque chose d'immatériel et d'impalpable. L'art du poète est ainsi d'habiller le vide de poésie : ivresse d'un tourbillon, harmonie du chant et de la musique où se dissolvent des formes à peines colorées, comme irréelles et néanmoins présentes.
Lorsque le poème paraît pour la première fois dans la Gazette Rimée du 20 février 1867 (en même temps que le poème liminaire « Clair de lune »), il est intitulé « Trumeau » (comme, de façon très significative, « La Fête chez Thérèse » de Victor Hugo, sur le manuscrit de 1840 que Verlaine ne pouvait pourtant pas connaître). Un « trumeau » est la partie d'une cloison comprise entre deux ouvertures verticales (portes, croisées). Par extension, « trumeau » peut désigner un panneau de glace décorant un dessus de cheminée ou un panneau décoratif servant de couronnement à une telle glace. En retenant ce titre, Verlaine a en tête un de ces panneaux décoratifs, dans lesquels les peintres des fêtes galantes, et notamment Watteau, se sont distingués : le poème évoque en effet, comme « Clair de lune », une fête aristocratique dans un parc, fête dont les participants jouent des personnages littéraires et obéissent à la galanterie la plus conventionnelle.
Le titre finalement retenu, « Mandoline », nous invite, lui, à une lecture musicale plus que picturale. On note l'absence de déterminant qui entoure le titre d'un halo de rêve : il s'agit plus d'évoquer que de décrire. Le mot résonne par ailleurs de diverses connotations italiennes (là encore cela rappelle « Clair de lune ») : Naples (la mandoline napolitaine est la plus répandue), Milan (mandoline milanaise), les gondoles de Venise, l'opéra de Mozart Don Giovanni si l'on songe à la « Sérénade » chantée par le séducteur sur fond de mandoline au début de l'acte II.
[...] Il s'agit du rose de la sensualité et du gris de la mélancolie, couleurs spirituelles des Fêtes galantes. - A l'image de ces couleurs opposées, les mots qui riment en ase extase jase connotant la vitalité, contrastent avec ceux qui riment en ise grise brise suggérant plutôt la froideur. - Tout comme le lexique, la syntaxe est mise au service de l'art nuancé de Verlaine : il préfère coordonner les éléments de la phrase par la conjonction et plutôt que de les subordonner. [...]
[...] - Leur élégance est un sujet plus étonnant qui désigne le concret par l'abstrait, et leur joie est une façon poétique de qualifier le tourbillon de joyeux Le poète a donc brouillé les frontières des catégories logiques pour obtenir un effet d'irréalité : c'est par un mixte de personnages évanescents, de mouvements et de sensations visuelles et auditives que le lecteur peut imaginer la scène. Dans l'expression dans l'extase / d'une lune rose et grise le poète utilise encore un tour ambigu, si bien que la lune elle-même paraît participer du monde humain et de l'extase des danseurs. [...]
[...] - L'emploi du verbe échanger suggère précisément que les personnages sont interchangeables, que le diseur de propos galants et l'écouteuse se valent dans leur artificialité. La griserie à laquelle se livrent ces donneurs de sérénades et ces belles écouteuses si elle charme les sens, ne satisfait point le cœur : leurs propos amoureux, que l'article indéfini des laisse à dessein dans le flou du non-dit, sont fades et sans lendemain, ils se confondent avec un discours conventionnel. Strophe 2. Les modèles littéraires des personnages : des stéréotypes Quatre noms propres masculins sont cités dans cette deuxième strophe pour désigner les donneurs de sérénades accentuant le caractère mièvre de la fête qui se donne : ~ Tircis et Aminte relèvent de la tradition littéraire de la pastorale, héritée de l'Antiquité grecque, qui met en scène, dans un cadre idyllique (comme l'Arcadie, pays du bonheur calme et serein), des bergers et des bergères s'aimant, chantant leur amour et composant des poèmes amoureux. [...]
[...] Un trumeau est la partie d'une cloison comprise entre deux ouvertures verticales (portes, croisées). Par extension, trumeau peut désigner un panneau de glace décorant un dessus de cheminée ou un panneau décoratif servant de couronnement à une telle glace. En retenant ce titre, Verlaine a en tête un de ces panneaux décoratifs, dans lesquels les peintres des fêtes galantes, et notamment Watteau, se sont distingués : le poème évoque en effet, comme Clair de lune une fête aristocratique dans un parc, fête dont les participants jouent des personnages littéraires et obéissent à la galanterie la plus conventionnelle. [...]
[...] La rime interne entre les deux noms de Tircis et Damis accentue cette idée, de même que la correspondance sonore entre ceux de Damis et d'« Aminte Le poète insiste ainsi sur le caractère artificiel et conventionnel des attitudes et des propos des personnages, dont l'« élégance évoque les salons des XVIIème et XVIIIème siècles. Le monde mis en scène est celui du paraître, des apparences. Strophe 3. La dissolution des fantoches : des ombres molles De l'artifice Les personnages cités, dont la matérialité était déjà réduite en ce qu'ils s'identifiaient à des stéréotypes, ne sont plus désignés que par leurs somptueux habits, tout droit sortis des tableaux de Watteau ou Lancret. [...]
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