Ce texte de Cournot essaye de faire le point en face d'une situation historique suscitée par le développement des sciences expérimentales au XIXe, développement qui comportait comme corollaire un défi jeté à la philosophie de qui elles s'étaient séparées au cours des âges. La philosophie traditionnelle a-t-elle encore la possibilité de subsister ? Les sciences ne vont-elles pas recouvrir tout le domaine de la connaissance? Leur objectivité ne garantit-elle pas leur définitive supériorité?
Les exigences de la science peuvent être résumées en une seule : recours à l'intelligence, à l'intelligence seule, au sens le plus strict de ce mot. Cela peut être envisagé sur deux plans principaux : instrument de recherche et attitude de vie. Comme instrument de recherche, la science exige sécurité et précision; elle trouve la première dans les faits, dans l'expérience, dépouillés de tout ce qui est accessoire; elle atteint la seconde grâce aux mathématiques qui lui servent de langage, le langage le plus abstrait, le plus dépouillé, qui soit. Elle n'accepte donc ni le sentiment romanesque, ni l'intuition romantique, ni l'art fantaisiste, ni la pensée métaphysique douteuse, ni le sens religieux suspect. Tout ce qui est vraiment concret, qualitatif, qui déborde les cadres d'une expression spatiale et algébrique, tout ce qui peut, mal ou bien, être exprimé par le langage ordinaire, rien de tout cela n'est assez pur pour faire l'objet de son investigation.
[...] Elle demande non que l'on prenne ses distances, mais que l'on entre en contact avec l'objet, non que l'on se dépouille pour le rencontrer dans une sécheresse semblable, mais que l'on s'enrichisse afin de mieux être à même de communier avec ses richesses originales et cachées. C'est très justement que Cournot parle d'une autre faculté de l'intelligence et qu'il se refuse à voir dans la philosophie soit le premier soit le dernier échelon de la science : cette vue, scientiste et non scientifique, est trop étriquée, trop ignorante. En fait, à notre époque la science ne veut connaître qu'en extension, alors que la philosophie cherche la connaissance en compréhension. [...]
[...] Commentaire : Philosophie et science selon Cournot La philosophie ne peut être rapprochée de la science, en ce sens qu'elle en formerait soit le premier, soit le dernier échelon. C'est le produit d'une autre faculté de l'intelligence qui, dans la sphère de son activité, s'exerce et se perfectionne suivant un mode qui lui est propre. C'est aussi quelque chose de moins impersonnel que la science. La science se transmet identiquement par l'enseignement oral et par les livres; elle devient le patrimoine commun des esprits, et dépouille bientôt le cachet du génie qui l'a créée ou agrandie. [...]
[...] Cela peut être envisagé sur deux plans principaux : instrument de recherche et attitude de vie. Comme instrument de recherche, la science exige sécurité et précision; elle trouve la première dans les faits, dans l'expérience, dépouillée de tout ce qui est accessoire; elle atteint la seconde grâce aux mathématiques qui lui servent de langage, le langage le plus abstrait, le plus dépouillé, qui soit. Elle n'accepte donc ni le sentiment romanesque, ni l'intuition romantique, ni l'art fantaisiste, ni la pensée métaphysique douteuse, ni le sens religieux suspect. [...]
[...] Il doit devenir robot et machine, appareil enregistreur, machine à comparer et à compter. C'est peut- être pour cela même si Cournot ne le dit pas explicitement que si peu de savants, même parmi les plus grands, savent s'exprimer de façon à atteindre les autres hommes, et que leur impatience devant la lenteur à les suivre ressemble si souvent à un monstrueux orgueil. Ce sont des différences qui, en fait, se manifestent très vite comme de totales oppositions. Fille émancipée de cette connaissance globale que fut la philosophie au début de nos courants de pensée, en particulier en Grèce, avec les Présocratiques, la science s'est retournée contre sa mère à cause de l'objet très particulier et très restreint - monde extérieur, matière - qu'elle s'est attribué; à cause, aussi, de ses buts utilitaires et techniques, qui tendent de plus en plus à supplanter le désir de pure connaissance. [...]
[...] Commentaire Ce texte de Cournot essaye de faire le point en face d'une situation historique suscitée par le développement des sciences expérimentales au XIXe, développement qui comportait comme corollaire un défi jeté à la philosophie de qui elles s'étaient séparées au cours des âges. La philosophie traditionnelle a-t-elle encore la possibilité de subsister ? Les sciences ne vont-elles pas recouvrir tout le domaine de la connaissance? Leur objectivité ne garantit-elle pas leur définitive supériorité? Les exigences de la science peuvent être résumées en une seule : recours à l'intelligence, à l'intelligence seule, au sens le plus strict de ce mot. [...]
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