Face aux abus et aux excès de la mode précieuse par la bourgeoisie de province du XVIIe siècle, Molière nous offre une pièce brillante et corrosive. En effet, imitant sottement et servilement les grandes dames parisiennes, le milieu bourgeois travestit et dégrade le raffinement extrême de la préciosité. Ainsi, la mise en scène de Jean-Luc Boutté, pour la saison 1993 de la comédie française, nous donne à voir la rencontre des deux « pecques provinciales », Magdelon et Cathos, avec deux valets, Mascarille et Jodelet, se faisant passer pour des précieux à la demande de leurs maîtres. La longueur de l'extrait tend à illustrer la décadence progressive de ces pseudo-intellectuels. Leur caractère profondément comique émane de leur travestissement qui ne laisse dupe aucun spectateur. Dans quelle mesure alors, la mise en scène de cet extrait s'attache-elle à illustrer la dégradation de la préciosité par la petite bourgeoisie de province ? Jouant sur le comique visuel, cette mise en scène accentue la déchéance dans laquelle est plongée la préciosité par le grotesque des personnages. Grotesque qui culmine par une trivialité sous-jacente.
[...] Cette dégradation trouve également son illustration au travers du décor sonore. En effet, la musique qui était plutôt légère et gaie au début de l'extrait devient progressivement beaucoup plus sombre et grave symbolisant la disparition de la frivolité au profit de la vulgarité. Egalement, ce changement de tonalité musicale peut figurer le passage des précieuses du monde de l'enfance à l'âge adulte. En effet, victimes de leurs illusions romanesques, elles découvrent la réalité crue grâce aux deux valets, dont on peut alors considérer le rôle comme initiatique. [...]
[...] En revanche, l'extrême dépouillement du décor se réduisant à des panneaux blancs contre lesquels sont appuyées quelques piles de livres contraste avec cette exubérance des costumes. Mais cette sobriété a pour but de mettre en valeur la parole, synonyme d'action au théâtre. En ce sens, ces précieux sont caractérisés par leur profusion langagière, dont Molière dénonce la vacuité. La caricature gestuelle participe également de l'effet comique. En effet, Molière ayant cherché à dénoncer le ridicule dans lequel s'enlisent ces faux précieux, la mise en scène place sous les projecteurs la stupidité de ces quatre provinciaux se prenant pour des aristocrates distingués. [...]
[...] Ainsi, la sentimentalité exacerbée dont font preuve les deux pecques provinciales ridiculise toute aspiration à la grandeur. En effet, lorsque Magdelon monopolise la parole théâtrale lors de sa tirade sur les beaux esprits à la scène elle rompt avec les maximes conversationnelles du fait qu'elle ne regarde plus ses interlocuteurs, elle s'avance vers le public, les yeux levés au ciel dans une attitude d'ébahissement pour se clore sur l'affliction du personnage qui s'en retourne au fond de la scène, faisant dos à la salle pour pleurer. [...]
[...] Ainsi, cherchant à manifester de façon outrancière leur intelligence, les précieuses ne font qu'accentuer leur niaiserie. Il ne faut pas oublier que les véritables précieux avaient pour principale occupation de disserter avec élégance sur l'amour. Or, ces pecques provinciales sont bien loin d'égaler le raffinement du comportement amoureux prôné par Mme de Rambouillet ou par Melle de Scudéry. En voulant imiter les grands de ce monde, elles ne font que souligner leur appartenance à leur bourgeoisie provinciale. En effet, victimes de leurs illusions et d'autant plus ridicules, Cathos et Magdelon feignent de paraître respectables en fuyant exagérément Mascarille et inversement, dès que la distance qui les sépare apparaît trop minime. [...]
[...] Commentaire de la mise en scène des Précieuses ridicules de Molière par Jean-Luc Bouté Face aux abus et aux excès de la mode précieuse par la bourgeoisie de province du XVIIe siècle, Molière nous offre une pièce brillante et corrosive. En effet, imitant sottement et servilement les grandes dames parisiennes, le milieu bourgeois travestit et dégrade le raffinement extrême de la préciosité. Ainsi, la mise en scène de Jean-Luc Boutté, pour la saison 1993 de la comédie française, nous donne à voir la rencontre des deux pecques provinciales Magdelon et Cathos, avec deux valets, Mascarille et Jodelet, se faisant passer pour des précieux à la demande de leurs maîtres. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture