COMMENTAIRE LITTERAIRE
Support : Œdipe Roi, Sophocle, Premier Episode, vers 316 à 404
[...] » vers 391 à 393. En accusant Tirésias d'inaptitude, en faisant de lui un devin à moitié sorcier, « cette espèce de sorcier » vers 387, et à moitié charlatan, « ce charlatan retors » vers 388, un imposteur au service d'un usurpateur, « il ne rêve que de me supplanter » vers 386, il ramène Tirésias sur le terrain d'une lutte exclusivement humaine entre un « tyran » et ses rivaux supposés. Il s'agit de dénier à Tirésias le pouvoir d'occuper le terrain du sacré, où sa parole serait celle du dieu. [...]
[...] Il utilise aussi des questions rhétoriques qui sous-tendent la menace « Que dis-tu ? Tu sais la vérité et tu ne t'expliques pas ? Tu songes à nous trahir, et vouer la cité à la ruine ? » vers 330 et 331. Puis viennent les injures « Monstre, scélérat » vers 334 et en définitive l'accusation « Eh bien, c'est toi, j'ai lieu de la croire, qui as combiné le crime, c'est toi qui l'a commis. » vers 347 et 348. C'est cette parole accusatrice qui va décider Tirésias à parler. [...]
[...] » vers 343. Mais il prononce à son tour une accusation « le sacrilège vivant qui souille cette terre, c'est toi.» vers 353. Dès lors les stichomythies, échanges vers à vers, expriment les contradictions et la colère de chacun. C'est ce qu'a souligné le coryphée, des mots dictés par la colère. Or l'oracle venant d'être explicité par Tirésias, le débat va se déplacer de l'oracle à la validité de la parole du devin. Sophocle a su créer une dynamique oratoire qui prépare les révélations sans émousser l'effet de surprise et la violence de l'accusation. [...]
[...] Tirésias savait qu'il ne serait pas entendu par Œdipe, parce qu'il parle d'un autre territoire, celui du domaine du sacré, qu'il revendique pour sien « Apollon s'en charge ; c'est à lui d'en finir avec tout cela » vers 377. Œdipe, de son côté, se situe dans une logique correspondant à son passé : il est le découvreur d'énigmes, il appartient à la logique humaine de l'élucidation. Selon cette logique, il est normal de faire appel à l'oracle puis au devin. La logique humaine se doit d'avoir recours à la logique divine. Et Œdipe ne méprise pas l'art de la divination, d'où son mépris de Tirésias lui-même « où est-elle ta clairvoyance divinatrice ? [...]
[...] La confrontation entre Œdipe et Tirésias constitue une joute oratoire d'une extrême violence, ce que l'on nomme un « agôn ». La venue du devin aveugle a été suggérée par le coryphée, mais cette demande a été précédée d'un conseil de Créon. Œdipe vient de vouer le coupable du meurtre de Laïos à l'exil, suivant l'oracle d'Apollon. Mais Tirésias, au lieu d'éclairer l'énigme, en ajoute une autre en refusant de parler. Puis, quand il répète ce qu'il sait, Œdipe l'entend sans le comprendre : il reconstitue une autre histoire, celle d'un complot contre le pouvoir. [...]
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