Bérénice de Racine, pour la première fois représentée en 1670, met en scène la réunion impossible de la reine de Palestine avec le nouvel empereur de Rome, Titus. Une passion pourtant partagée entre les deux amants mais contrariée par la raison d'état qui interdit qu'une reine, non romaine, partage le mariage avec un empereur romain. Le ressort tragique de la pièce repose alors, principalement, sur le développement des soubresauts du cœur des deux amants, confrontés à un dilemme dont la résolution ne saurait souffrir de compromis, le choix pour Titus du pouvoir et de la gloire ou celui de l'amour. L'extrait que nous avons à étudier, la tirade de Bérénice concluant la cinquième scène du premier Acte, inaugure ce qui sera véritablement le motif de la tragédie de Racine, à savoir l'amour contrarié de la reine et de Titus. En effet, si le premier acte est focalisé sur l'amour inavoué d'Antiochus pour Bérénice, enjeu « mineur » de la pièce, sa conclusion en apporte le thème « majeur » : Phénice, confidente de la reine, introduit le doute auprès de celle-ci, en lui faisant prendre conscience que la raison d'état pourrait s'opposer au mariage avec Titus qui lui semblait promis. La tirade de Bérénice se révèle alors la véritable scène d'exposition, sa place en conclusion du premier acte ne faisant que renforcer l'imminence du danger et l'importance de cet enjeu tragique dans la pièce.
[...] La tirade de Bérénice est un véritable plaidoyer de l'amour qu'elle porte pour Titus. A travers ses paroles se dessine le portrait élogieux de l'empereur, mais aussi en filigrane l'expression d'une angoisse qu'elle cherche à annihiler. La conclusion de l'acte en introduit ce qui sera le fil tragique de l'œuvre, les amours contrariés des deux amants. Cette scène prend alors une dimension ironiquement tragique ; si à la fin de l'Acte Bérénice est pleine d'espoir, le début du suivant nous indique que Titus adopte, au moment même où la reine tente de se persuader du contraire, l'attitude qu'elle refusait d'entendre. [...]
[...] De même, la diérèse sur l'adjectif majestueux l'allitération en s de cette douce présence renforcent la magnificence, l'attitude sereine et souveraine de l'empereur. Cette hyperbolisation de l'image de Titus nous donne à voir la passion exaltée et l'admiration de Bérénice, exprimées par la dimension lyrique des deux vers à modalité exclamative, Ciel ! avec quel respect et quelle complaisance Tous les cœurs en secret l'assuraient de leur foi ! L'engagement lyrique qu'exprime ici Bérénice nous montre sa vision passionnée et la transfiguration du réel qu'elle opère pour oublier le doute qu'a immiscé Phénice en elle. [...]
[...] La tirade de Bérénice nous invite à ressentir la partie invisible de tout acte d'énonciation, à savoir sa motivation. Si dans son contenu, la reine déclare son amour pour Titus en le peignant de ses plus beaux atours, cette peinture élogieuse de son amant actualise dans le même temps la présence de ce dernier à un moment où elle pressent que l'amour de l'empereur pourrait disparaître, révélant une inquiétude qu'elle cherche à refouler. Les quatre premiers vers de la tirade de Bérénice témoignent de cette angoisse latente, qu'elle exprime presque inconsciemment dans le but de l'apaiser, de la rendre moins vivante que dans les murs oppressants de l'esprit. [...]
[...] De même, le possessif ses Et le peuple de fleurs couronner ses images figure comme un élément prophétique et témoigne, inconsciemment, que Bérénice s'exclut des honneurs romains. Ces quatre premiers vers, par le fait qu'ils expriment une justification de ce que Bérénice affirme comme des certitudes, par des signes inconscients trahissant l'apparente assurance de la reine, révèlent par leur simple existence la profonde angoisse qu'elle tente de refouler en l'exprimant. Dès le vers suivant jusqu'à Mais, Phénice, où m'emporte un souvenir charmant Bérénice peint un tableau élogieux de son amant, figurant l'amour qu'elle porte en elle pour Titus. [...]
[...] Tes yeux ne sont-ils pas tous pleins de sa grandeur ? Lesquelles ont pour utilité de chercher à convaincre sa confidente et surtout elle-même de l'amour de Titus. Ces deux vers sont parallèlement le début d'une vibrante déclaration de la passion animant Bérénice. L'isotopie hyperbolique de la magnificence de Titus, splendeur tout pleins de sa grandeur associée à son éclat naturel que renforce la diérèse sur nuit témoigne de l'admiration qu'elle porte pour son amant, qui semble briller dans le cœur de la reine. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture