Le recueil Jadis et Naguère est considéré comme une réponse à Sagesse. C'est dans ce recueil que Verlaine publie son Art poétique et propose sa théorie sur la musicalité du vers. Chez Verlaine, les mots chantent et rêvent, scandent des chansons douces, des berceuses ou des « romances sans parole » avec un mètre impair qui exalte ce qui dans l'humain va librement, s'envole « sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Antérieur à Sagesse, le poème Kaléidoscope, composé en prison, date d'octobre 1873 et abolit la frontière entre le rêveur et le rêve.
Les images sont affranchies de structure logique. Illogisme des sensations et des idées qui se présentent comme un archipel d'images poudroyant dans la zone de la pré-conscience dont les éléments incohérents et inorganiques pourront, le moment venu, se trouver liés par de surprenantes et subtiles associations. « Rien de délicieux comme le commencement de fièvre. C'est volatile, les idées tourbillonnent en s'entrelaçant et en se déplaçant sans cesse et toujours (...) Ici la sensation est si vague qu'elle n'est plus sensation mais caresse indéfinie, jouissance du néant meilleur que toute plénitude » (Œuvres en Prose complètes)
Transposé sur le plan de la structure poétique, le mouvement spécifique du kaléidoscope recrée donc pour Verlaine le jeu des images incohérentes et diversement colorées, suscitées par le vagabondage de sa mémoire dans sa rêverie de prisonnier.
[...] Ville de rêve, Londres perd son identité, ses traits distinctifs, sans forcément s'embellir : Londres se confond peut- être avec Paris, plus probablement avec Bruxelles. La réalité facilitait cette confusion : lors de leur dernière arrivée à Londres, fin mai 1873, Verlaine s'était logé avec Rimbaud dans un quartier très gai au nord- ouest, derrière la gare de Saint-Panoras, où, disait-il, on se croirait à Bruxelles (Verlaine et l'Angleterre. Ville composite née de la superposition dans l'imaginaire de Bruxelles, Londres et Paris. [...]
[...] Richard a donné un excellent commentaire : la langueur verlainienne épuise l'être ( . Elle écœure, elle effrite ce moi qu'elle a pour projet de détruire, et qui, livré à ses méandres, en vient bientôt à ne plus se reconnaître lui-même. ( . ) A travers la langueur s'opère en somme la destruction de toutes les caractéristiques individuelles et l'émergence à un mode nouveau de la sensibilité où chaque événement ne soit plus rapporté à aucune expérience particulière, mais revécu anonymement, dans l'impersonnalité d'un pur sentir Tout kaléidoscope étant fondamentalement soumis à un mouvement d'oscillation, les perceptions presque imperceptibles du rêve et de la somnolence, toute cette fragile conscience qui tend au zéro et apparaît presque comme un vide et une privation d'être peut soudain se structurer : l'objet s'instaure alors dans le poème comme un centre exclusif de positivité. [...]
[...] A la suite de ses divers séjours en Angleterre de 1875 à 1881, Verlaine n'a guère cessé d'éprouver une hantise de la langue anglaise. bandes de musique est un autre anglicisme inspiré par band (orchestre). Au XIXe siècle, des orphéons ambulants sillonnaient fréquemment la campagne anglaise. Il faut s'en remettre à la note de Underwood à Vagabonds (Illuminations XVIII) : Je créais, par-delà la campagne traversée par des bandes de musique rare, les fantômes du futur luxe nocturne. Cependant, là où Verlaine oscille entre le vague mélancolique, le précis vulgaire et sordide, Rimbaud voit Londres (Villes I in Illuminations) comme une Bagdad d'une somptuosité féérique où sont convoqués en une extraordinaire synthèse . [...]
[...] Jadis et Naguère Kaléidoscope. Sommaire Kaléidoscope 3 Plan Commentaire Kaléidoscope A Germain Nouveau, Dans une rue, au cœur d'une ville de rêve, Ce sera comme quand on a déjà vécu : Un instant à la fois très vague et très aigu . O ce soleil parmi la brume qui se lève ! O ce cri sur la mer, cette voix dans les bois ! Ce sera comme quand on ignore des causes ; Un lent réveil après bien des métempsychoses Les choses seront plus les mêmes qu'autrefois. [...]
[...] Et que l'on se rendort et que l'on rêve encor De la même féerie et du même décor, L'été, dans l'herbe, au bruit moiré d'un vol d'abeille. Voilà conclu et défini ce kaléidoscope intérieur. Le va-et-vient du rêve et de l'éveil, du sommeil et du rêve correspond au mouvement imprimé par l'enfant aux facettes du jouet. Comme les objets qu'elles reflètent, ces facettes sont en nombre limité : dans la sensation complexe du bruit moiré qui rappelle tels premiers vers du IIIe livre de Sagesse : L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable. [...]
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