Dans une galerie de portraits qu'il consacre à des personnages exentriques et qu'il rassemble en 1852 sous le titre Les Illuminés, Gérard de Nerval écrit :«L'intérêt des mémoires, des confessions, des autobiographies, des voyages même, tient à ce que la vie de chaque homme devient ainsi un miroir où chacun peut s'étudier, dans une partie du moins de ses qualités ou de défauts. C'est pourquoi, dans ce cas, la personnalité n'a rien de choquant, pourvu que l'écrivain ne se drape pas plus qu'il ne convient dans le manteau de la gloire ou dans les haillons du vice.»
Vous commenterez ces remarques de Gérard de Nerval, en fondant votre réflexion sur l'analyse d'exemples littéraires précis.
[...] Dans cette perspective, nous verrons dans un premier mouvement que le genre autobiographiques et ses déclinaisons, parce qu'ils s'élaborent à partir d'un mouvement d'introspection de l'auteur, peuvent constituer pour le lecteur un support intéressant pour l'étude de soi. Face à cette définition très dirigée que Nerval donne de l'intérêt, nous nous interrogerons sur la possibilité pour le lecteur de trouver à s'étudier dans d'autres genres que l'autobiographie. Enfin, pour ne pas réduire le genre autobiographique à sa matière humaine, nous aborderons en dans dernier mouvement l'idée que l'écriture de soi présente d'autres intérêts que la possibilité pour le lecteur de s'étudier. [...]
[...] Conclusion Ainsi, nous avons vu que si la conception que se fait Nerval du genre autobiographique souligne des éléments essentiels propres à ce genre, elle en minore également des aspects décisifs. L'autobiographie en effet ne saurait être réduite au lien qu'elle permet au lecteur d'établir avec l'écrivain : un lien décisif de ressaisie de l'écriture sous le mode de la confession, mais qui ne saurait éclipser les autres motifs d'intérêt. En cela, les récits de soi valent aussi pour les éléments qu'ils convoquent en parallèle du récit de vie, qu'il s'agisse d'éléments historiques ou bien encore de la preuve de la reconstruction en partie travestie de soi, que Nerval désigne sous l'action de "se draper". [...]
[...] En l'occurrence, dans cette oeuvre, le genre humain y est dépeint tout autant que le caractère de Saint-Simon. B. L'écriture de soi ne saurait être invalidée au motif qu'elle manque d'objectivité Une limite de la définition de Nerval tient à l'idée que l'intérêt d'une oeuvre autobiographique n'aurait d'intérêt pour le lecteur que si l'auteur fait preuve d'objectivité : "qu'il ne se drape pas plus qu'il ne convient dans le manteau de la gloire ou dans les haillons du vice" (Les Illuminés, 1852). [...]
[...] En réalité, les genres de l'introspection présentent d'autres intérêts que l'écriture de soi La définition par Nerval de l'intérêt que représente pour le lecteur le genre autobiographique présente le risque de restreindre l'identité de ce genre à sa matière principale : le vécu. Or les récits autobiographiques et les catégories qui lui sont apparentées présentent d'autres intérêts que le seul récit de soi, quitte d'ailleurs à ce que ce soit la réception qui fasse émerger ces intérêts, et non les intentions de l'auteur. C'est donc la pertinence de la formule restrictive "l'intérêt . tient à " que l'on s'attachera à interroger ici. [...]
[...] Car ce faisant, Rousseau se place dans la catégorie que Nerval désigne comme "le manteau de la gloire". C. C'est la réception qui projette ses intérêts sur le livre autobiographique La définition de "l'intérêt" d'une oeuvre interroge aussi ce qui le détermine. Or force est de constater que l'intérêt d'une oeuvre continue de se déterminer après sa publication. Autrement dit, si le critère de l'intersubjectivité suggéré par Nerval joue assurément un rôle central, d'autres peuvent s'ajouter en fonction de la réception que connaît l'œuvre. [...]
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