La Curée est sans doute l'œuvre de Zola la plus riche en « mises en abyme » de formes diverses. Outre le texte proposé au commentaire, on peut relever les tableaux vivants du bal de la mi-carême qui illustrent clairement les deux thèmes majeurs du roman et mettent en scène les amants dans une situation qui reproduit approximativement la leur : Renée « quêt[ant] sa proie avec des supplications de louve affamée », Maxime-Narcisse étant figé « dans un geste de refus ». La curée burlesque qui précipite vers le buffet les invités des Saccard, lors du même bal, est un autre rappel, sur le mode parodique, du sujet même et du titre du roman, d'autant plus qu'elle renvoie elle-même à d'autres scènes du même genre : « C'est bien pis aux Tuileries », dit le préfet Bupel de la Noue. N'oublions pas non plus - car, chez Zola, rien n'est laissé au hasard – « cette fameuse robe de satin couleur buisson, sur laquelle était brodée toute une chasse au cerf, avec des attributs, des poires à poudre, des cors de chasse, des couteaux à large lame » portée par Renée lors de la période heureuse de sa liaison.
[...] Et, en effet, non seulement elle ne parviendra pas à assumer son rôle tragique, mais elle s'en verra dépossédée par les autres : sa liaison criminelle se dénouera par un arrangement vulgaire et bourgeois. L'inceste, pour Saccard, n'est que simples bêtises ; c'était déjà le mot employé par Maxime. Renée ne découvrira même pas dans le châtiment la consécration d'une faute exceptionnelle. Cet échec, cette retombée dans l'insignifiance ne sont pas seulement le fait de l'héroïne. Ils reflètent la mesquinerie d'une époque fermée à toute grandeur, dont le petit crevé Maxime est un parfait représentant. [...]
[...] Maxime, naguère élève correct du lycée Bonaparte, connaît Phèdre et a même appris par cœur le récit de Théramène. On n'imagine guère, en revanche, que Renée ait pu lire la tragédie de Racine chez les dames de la Visitation, mais elle a étudié l'italien, la langue des arts, qui faisait partie de la culture des jeunes filles de la bonne société, au même titre que les arts d'agrément. L'important est de noter que l'un et l'autre n'ont avec la pièce qu'un rapport indirect et partiel ; ils ne peuvent en retenir que l'analogie des situations et les grandes lignes, Maxime parce qu'il ignore l'italien, Renée parce qu'elle ignore la pièce de Racine. [...]
[...] Commentaire Depuis la chute de Renée lors de la scène du café Riche, un an exactement s'est écoulé. L'euphorie des débuts a fait place, pour l'héroïne, à une situation critique. En proie à de graves embarras d'argent, elle a vainement tenté diverses démarches (dont la succession fait penser aux ultimes tentatives d'Emma Bovary pour éviter la saisie) auprès de son père, auprès de Sidonie, auprès de son mari enfin, à qui elle s'est résignée à céder. Cette situation nouvelle la remplit d'un mépris d'elle-même et d'un sentiment de culpabilité grandissant. [...]
[...] Il suscite un mouvement d'identification, mais laisse aux héros, à Renée surtout, tout loisir de revenir sur eux-mêmes. Et l'on verra l'héroïne se détacher de plus en plus du spectacle qu'elle a sous les yeux pour se tourner vers son propre drame. La description du spectacle trahit d'emblée le parti pris de dévalorisation du mythe qui caractérise tout le passage. Hippolyte est évoqué de façon presque caricaturale et justifie le jugement condescendant de Maxime : en le trouvant godiche c'est-à-dire maladroit et emprunté, il traduit dans la langue des petits crevés l'indication du narrateur très médiocre L'acteur pleure son rôle, c'est-à-dire qu'il le récite de façon hésitante et geignarde. [...]
[...] Dans le coupé, le jeune homme causa tout seul, il trouvait en général la tragédie assommante et préférait les pièces des Bouffes. Cependant, Phèdre était corsée Il s'y était intéressé, parce que . Et il serra la main de Renée, pour compléter sa pensée. Puis une idée drôle lui passa par la tête, et il céda à l'envie de faire un mot : - C'est moi, murmura-t-il, qui avais raison de ne pas m'approcher de la mer, à Trouville. Renée, perdue au fond de son rêve douloureux, se taisait. Il fallut qu'il répétât sa phrase. - Pourquoi ? [...]
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