Le voyageur se situe, dans Alcools, entre Marizibill, peinture impitoyablement réaliste et moderne d'une prostituée à la vie sordide, et Marie, évocation poétique au sens le plus classique du terme d'une figure féminine idéale, mariale. Le voyageur touche d'une certaine manière à ces deux extrêmes : par sa forme comme par son contenu, ce poème reflète toute l'ambiguïté d'Apollinaire, poète que l'on considère généralement un peu vite comme un pur moderne, alors qu'il n'a jamais cessé d'osciller entre tradition et rupture.
Par sa forme, Le voyageur appartient tout à la fois à la poésie classique à laquelle Apollinaire ne cesse de s'arracher, qu'à la modernité fragmentaire qu'il inaugure : la première partie du poème est en vers libre, tandis que sa fin épouse une prosodie régulière (alexandrins embrassés). Par son fond, Le voyageur voyage aussi entre passé et présent : de l'Euripe aux sonneries électriques puis de nouveau aux ombres des morts, le poème se tisse entre un passé lointain, teinté de réminiscences littéraires et de culture classique, et une modernité ivre et déboussolée, affolée par la multiplicité incompréhensible de ses paysages. L'unité du poème lui est conférée par sa charge émotive : Le voyageur est un appel déchirant, pathétique, un kaléidoscope de souvenirs rongés par l'oubli et endeuillé par la séparation qu'Apollinaire nous fait partager. Regret, exclusion et perte : c'est le déchirement d'un exil primordial que le lecteur ressent à la lecture du poème.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux enjeux du voyage, puis à la dimension dialogique et pathétique du texte. Enfin, nous étudierons la coexistence de la modernité et du passé dans le poème
[...] Enfin, nous étudierons la coexistence de la modernité et du passé dans le poème. 1.Les enjeux du voyage En choisissant pour titre Le Voyageur, Apollinaire a voulu attirer l'attention sur le thème du voyage, thème qu'évoquent le paquebot l'auberge les gares et les matelots évoqués. Ce voyage n'est ni un voyage d'affaire, ni un voyage touristique, ni même un voyage initiatique, mais plutôt une dérive existentielle. a.l'exil Le premier vers du poème Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant suggère une douloureuse expatriation : l'énonciateur est un exclu, un paria rejeté loin de ce qu'il aime. [...]
[...] Tout est mis sur le même plan, même cette remarque chargée de souffrance : Et toi tu m'avais oublié Tout au long du poème, Apollinaire adopte une perspective exclusivement subjective ; ainsi ce n'est pas le train qui bouge, mais les paysages : les villes tournent, les ponts cavalent, les paysages défilent en troupeaux plaintifs Ce point de vue, qui fait l'impasse sur la réalité factuelle et objective pour ne retenir que des impressions relatives, efface ou déstabilise toute certitude, tout repère : le voyage se fait plongée dans un kaléidoscope d'images instables. Un tel impressionnisme est typiquement moderne. [...]
[...] Conclusion Poème étrange et pathétique, hanté par l'oubli et la mort, Le voyageur est avant tout un poème sur l'exil. Cet exil, tout métaphysique, fait du poète un vaincu de la vie, qui cherche à épuiser une coupe amère de regrets, d'amitié et de repentirs, sans trier entre ses joies et ses peines. Tiraillé entre un passé mystérieux, teinté de surnaturel, et un présent ivre et confus, Apollinaire enchante son mal-être par un chant d'angoisse et de poésie, dont le charme intemporel ne laisse aucune prise à l'usure du temps : Le voyageur reste et restera un poème envoûtant qui fait vibrer l'une des fibres les plus intimes, en même temps que les plus universelles, du cœur humain. [...]
[...] Pris dans ce flot continu, le poète-voyageur ne saurait rien retenir du passé : celui-ci est voué à la destruction si ce n'est à l'oubli, comme cette abeille qui tomba dans le feu 2.La dimension dialogique et le pathétique Comme Zone, auquel il est dans une certaine mesure comparable, Le voyageur est un poème dialogique, qui utilise à des fins pathétiques le je et le tu : le poète dialogue avec lui-même, avec son double, avec un ou plusieurs absents chéris, et de ses interpellations pareilles à des SOS jetés à la mer, naît l'émotion. a.Identité de l'interlocuteur ? Le premier vers du poème est une phrase injonctive : Ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant Ce vous marque la distance, la séparation douloureusement ressentie : à l'épaisseur de la porte répond l'épaisseur du vouvoiement. Au troisième vers, le tutoiement remplace le vouvoiement : cela signifie-t-il que l'énonciateur a changé d'interlocuteur ? . [...]
[...] Le voyageur Guillaume Apollinaire, Alcools Le voyageur Commentaire composé Introduction 1.Les enjeux du voyage a.L'exil b.La chute et l'errance c.La fuite du temps 2.La dimension dialogique et le pathétique a.Identité de l'interlocuteur ? b.Dialogue et mémoire c.Dialogue et souffrance 3. Entre modernité et passé a. Modernité de la matière et de la forme b. Modernité de la vision c. Le passé et sa signification Conclusion Introduction [intro de l'intro] Le voyageur se situe, dans Alcools, entre Marizibill, peinture impitoyablement réaliste et moderne d'une prostituée à la vie sordide, et Marie, évocation poétique au sens le plus classique du terme d'une figure féminine idéale, mariale. [...]
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