Marc Fumoroli, théâtre, rhétorique, Marivaux, Les Fausses Confidences, Cinna, Corneille, Racine, Britannicus, lumières, classicisme, théâtre classique
Aux yeux de Marc Fumaroli, « tout le vertigineux paradoxe du théâtre classique français » est de « fonder la visibilité théâtrale sur la seule magie du verbe oratoire. » (Héros et orateurs, Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, 2e éd. revue et corrigée, Genève, Droz, « Titre courant », n1, 1996, p.298)
Dans quelle mesure cette réflexion permet-elle d'éclairer la lecture des trois pièces inscrites au programme (Cinna de Corneille ; Britannicus de Racine ; Les Fausses Confidences de Marivaux) ?
L'observation de l'académicien et essayiste français Marc Fumaroli repose sur l'idée que le théâtre classique français se fonde principalement sur la puissance du discours, de la rhétorique. Alors, les dialogues et les discours prononcés par les divers personnages ont une importance primordiale dans la représentation théâtrale, et c'est l'art oratoire qui permet de rendre visible et intéressante l'action dramatique. Cette notion rentre donc pleinement dans la période du classicisme, où l'éloquence et la rhétorique sont primordiales. Pour pouvoir étudier cette citation, nous allons d'abord définir les termes utilisés par notre auteur : tout d'abord, M. Fumaroli parle de « vertigineux paradoxe du théâtre classique », ce qui, en réalité, est en intertextualité certaine, puisque cela renvoie à l'essai de Denis Diderot, Le Paradoxe sur le comédien (1767), où le philosophe des Lumières explore l'authenticité de l'émotion telle qu'elle est montrée et donnée par les comédiens. Pour lui, afin que le théâtre classique soit le plus percutant possible, le comédien doit être le plus neutre possible, le plus froid, pour susciter le plus possible d'émotions, et pouvoir être bien plus efficace dans la rhétorique. Dans la suite de la citation, Marc Fumaroli nous parle de « visibilité théâtrale », ce qui est plus sur l'aspect conceptuel du théâtre, sur la manière dont les comédiens, les décors, les costumes et autres éléments de la production sont disposés et interférent entre eux, pour que le public comprenne le spectacle. Cette dernière est nécessaire pour que les spectateurs puissent appréhender et suivre les dialogues et interactions, ce qui la rend ici très intéressante ; en effet, pour que la rhétorique soit efficace, il ne faut pas d'obstacles entre le logos et le spectateur. Quant au dernier concept utilisé, le « verbe oratoire », il signifie pleinement l'éloquence, la persuasion, donc la rhétorique dont fait preuve le théâtre.
[...] Comment l'essence même du théâtre classique français est-elle de la rhétorique d'après Marc Fumaroli ? [...]
[...] L'observation de l'académicien et essayiste français Marc Fumaroli repose sur l'idée que le théâtre classique français, se fonde principalement sur la puissance du discours, de la rhétorique. Alors, les dialogues et les discours prononcés par les divers personnages ont une importance primordiale dans la représentation théâtrale, et c'est l'art oratoire qui permet de rendre visible et intéressante l'action dramatique. Cette notion rentre donc pleinement dans la période du classicisme, où l'éloquence et la rhétorique sont primordiales. Pour pouvoir étudier cette citation, nous allons d'abord définir les termes utilisés par notre auteur. Tout d'abord, M. Fumaroli parle de "vertigineux paradoxe du théâtre classique", ce qui en réalité est en intertextualité certaine, puisque cela renvoi à l'essai de Denis Diderot Le Paradoxe sur le comédien (1767), où le philosophe des Lumières explore l'authenticité de l'émotion telle qu'elle est montrée et donnée par les comédiens. Pour lui, afin que le théâtre classique soit le plus percutant possible, le comédien doit être le plus neutre possible, le plus froid, pour pouvoir susciter le plus possible d'émotions, et pour pouvoir être bien plus efficace dans la rhétorique. Dans la suite de la citation, Marc Fumaroli nous parle de "visibilité théâtrale", ce qui est plus sur l'aspect conceptuel du théâtre, sur la manière dont les comédiens, les décors, les costumes et autres éléments de la production sont disposés et interférent entre eux, pour que le public comprenne le spectacle. Cette dernière est nécessaire pour que les spectateurs puissent appréhender et suivre les dialogues et interactions, ce qui la rend ici très intéressante ; en effet, pour que la rhétorique soit efficace, il ne faut pas d'obstacles entre le logos et le spectateur. Quant au dernier concept utilisé, le "verbe oratoire", signifie pleinement l'éloquence, la persuasion, donc, la rhétorique, dont fait preuve le théâtre. De plus, cette citation nous en apprend aussi plus sur nos ?uvres du corpus dramatique ; tout d'abord, Cinna de Corneille, met en scène des intrigues politiques à Rome, les personnages sont constamment engagés dans des discours passionnés et éloquents, la rhétorique est de mise pour influencer les autres protagonistes, mais aussi les spectateurs ; puis, Britannicus de Racine, en est un très bon exemple puisque les personnages sont constamment dans des luttes de pouvoir et dans la manipulation au travers des mots et dialogues, le c?ur même de la pièce est la séduction, l'intrigue et l'opposition des logos. Quant aux Fausses Confidences, de Marivaux, pièce du siècle des Lumières, mais pourtant partageant avec le théâtre classique l'attention particulière aux dialogues et discours, est en plein dans le c?ur du sujet puisque les personnages sont constamment en train de dissimuler leurs intentions ou de manipuler en jouant à des jeux verbaux. Pour ces trois ?uvres, la parole est un lieu et outil subtil de séduction, de manipulation et le c?ur même du "métalangage" qu'est la rhétorique (théorisé par Roland barthes dans Le Mythe aujourd'hui). [...]
[...] Mais alors, comment l'essence même du théâtre classique français est-elle de la rhétorique ? Nous aborderons d'abord un rapide historique de la rhétorique, et de sa place dans le théâtre ; puis, nous étudierons la mise en valeur du verbe oratoire et la neutralisation du contexte dans ces trois ?uvres, pour finir par parler de l'essence même du théâtre, sa reconnaissance comme d'un art de la parole pleine. La rhétorique, si elle est présente dans le théâtre classique, date avant tout du Ve siècle avant J-C, c'est l'art de persuader (à l'aide d'un appel à l'empathie et aux sentiments) et de convaincre (à l'aide d'un appel à la raison) par le discours. Les premiers théoriciens et professionnels de la rhétorique comptent notamment Corax, Aristote ou encore Gorgias, et placent au centre du sujet l'éloquence, que Cicéron définit comme une qualité de discours, souvent un don naturel, "née de la rhétorique" (De oratore, XXXIII, 146). Dans le théâtre, le métalangage a une valeur encore plus importante, en effet, toujours selon M. Fumaroli dans ce même essai : "le v?u profond de la rhétorique, c'est de s'accomplir en dramaturgie", ce qui veut donc dire que le théâtre, en plus de sa fonction de plaisir et de catharsis, présente aussi une valeur de parole, qui va alors convaincre les protagonistes, mais surtout les spectateurs des pièces. Le théâtre, en ce qu'il représente les conflits qui peuvent avoir lieu dans le réel, tout en les tenant à distance, est une arme redoutable contre les politiques et puissants du monde réel. Comme exemple, nous allons prendre la tragédie de Pierre Corneille, Cinna, ?uvre intéressante, car elle reprend l'époque d'Auguste, en Rome antique, et d'hommes présents dans la vie politique, comme Cinna. Cette pièce présente une réelle analogie (figure fort utilisée en rhétorique) entre le gouvernement de Richelieu (qui lui-même encourage le théâtre et sa rhétorique, sans forcément comprendre les aboutissants de cette dernière), et celui d'Auguste, et a d'ailleurs le frontispice de sa première édition un an après la mort du cardinal. L'acte IV de l'?uvre présente d'ailleurs moult utilisations de la rhétorique (toujours lié à l'importance de l'analogie et de la critique d'un gouvernement récent et puissant via la critique d'un gouvernement antique), avec notamment cette phrase : "Et qu'enfin la clémence est la plus belle marque - Qui fasse à l'univers connaître un vrai monarque". De même, cette critique du gouvernement est aussi présente dans l'?uvre de Racine, Britannicus, qui représente elle aussi une période antique, avec la présence décisive de Néron, empereur de Rome (l'histoire se déroule en 55 après J.C). Racine fait dire, dans la scène un de l'acte un, par Agrippine, la mère de Néron et belle mère de Britannicus (l'héritier légitime) : « Tout ce que j'ai prédit n'est que trop assuré. / Contre Britannicus Néron s'est déclaré. / L'impatient Néron cesse de se contraindre,/Las de se faire aimer, il veut se faire craindre. » Cette phrase n'est pas anodine, gravitent autour de Néron et Britannicus, les rivaux, des élites politiques utilisant la rhétorique, qui essaient d'influencer les dirigeants, ce que le spectateur voit réellement, puisque Agrippine perd son influence, quand d'autres la gagnent. Ainsi, il est assez clair que la rhétorique occupe une place primordiale dans les jeux de pouvoir dans l'histoire, et qu'ils sont donc représentés dans des ?uvres théâtrales, où le logos est utilisé pour convaincre et persuader le lecteur. De plus, la mise en valeur du verbe oratoire, liée à la neutralisation du contexte rend cette rhétorique surreprésente : l'art dramatique, entre 1630 et 1660 est de plus en plus lié à une réflexion sur la rhétorique, ce qui l'amène à supprimer bien des effets et à dépouiller l'imaginaire du lecteur : le but du discours théâtral est de faire surgir une vision dans l'esprit du spectateur, le spectacle se déplace alors, porté par la force des différentes prises de paroles et discours, de la scène au spectateur, en son intérieur, la rhétorique devient extrascénique. Par exemple, dans l'?uvre de Marivaux, Les Fausses Confidences, le valet Dubois joue le rôle de grand organisateur, et manipule ses protagonistes, ce qui est montré à l'audience via une rhétorique oratoire ; par exemple, à la fin de l'acte Marivaux fait parler Dubois en lui disant "Allons faire jouer toutes nos batteries", ce qui le place réellement en chef de guerre, c'est une métaphore militaire qui prouve bien la présence de la rhétorique dans l'?uvre théâtrale. De même, toujours dans l'acte I, mais un peu plus tôt, Dorante dit à Dubois « Tu m'as servi, je n'ai pu te garder (?) malgré cela, il t'est venu dans l'esprit de faire ma fortune. » , ce qui montre bien le positionnement donné à Dubois, voilà le traître, le manipulateur, le public en sort d'accord. De même, Racine, dans Britannicus, lors de l'acte fait dire à Junie, l'amante de Britannicus : "Je ne connais Néron et la cour que d'un jour ;/ Mais, si j'ose le dire, hélas Dans cette cour/Combien tout ce qu'on dit est loin de ce qu'on pense / Que la bouche et le c?ur sont peu d'intelligence / Avec combien de joie on y trahit sa foi / Quel séjour étranger et pour vous et pour moi " Ce personnage est d'autant plus intéressant qu'il représente en réalité une double présence, celle du spectateur avec la présence du "on" et celle des spectateurs et auditeurs ; Junie représente cette analyse de la rhétorique et de l'intertexte que peut faire le lecteur, et porte donc l'analyse de la rhétorique dans l'?uvre, ce qui montre alors que la citation de M. Fumaroli est, en effet, applicable à ces ?uvres : la place est donnée à l'art oratoire dans ces pièces, et l'art oratoire porte ces oeuvres en terme de visibilité théâtrale. [...]
[...] Ainsi, l'art oratoire, grâce à la visibilité théâtrale, est l'essence même du grand genre qu'est le théâtre, c'est l'espace réel de la rhétorique puisque la rhétorique et la dramaturgie se lient et se délient, formant ainsi un art de la parole pleine, où l'art oratoire est contenu et apporté au spectateur sous diverses formes. La dramaturgie est alors une sorte de polyphonie rhétorique, ce qui veut alors dire que les trois dramaturges étudiés amènent en réalité des conceptions politiques et sociales vers le spectateur via la rhétorique. Par exemple, Racine, dans Britannicus, fait dire à Néron lors de la scène trois de l'acte IV "J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer" présentant, tout au long de l'?uvre, Néron comme d'un tyran prêt à tout pour garder le pouvoir (Il lui fait d'ailleurs dire, ligne 1335 "Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire justifiant ses actions égoïstes par sa place de pouvoir), pouvant ainsi être vue comme une analogie avec des régimes contemporains à Racine. Pierre Corneille, dans Cinna, présente aussi cette critique du tyran, notamment lors de la première scène de l'acte quand Auguste dit à Cinna : "Prends un siège, Cinna, prends, et sur toute chose/Observe exactement la loi que je t'impose :/ Prête, sans me troubler, l'oreille à mes discours/D'aucun mot, d'aucun cri, n'en interromps le cours/Tiens ta langue captive et si ce grand silence/A ton émotion fait quelque violence", ce qui montre bien le pouvoir du tyran face à ses citoyens, et son refus de le partager. De plus, cela est aussi visible aussi dans l'?uvre de Marivaux, cette critique de l'époque est notamment visible dès l'acte I de la première scène des Fausses Confidences, où il est dit : "Il est vrai que je suis toujours fâchée de voir d'honnêtes gens sans fortune, tandis qu'une infinité de gens de rien et sans mérite en ont une éclatante.", par le personnage le plus à contre-courant, la veuve de la finance et révolutionnaire, Araminte. [...]
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