La nouvelle Arsène Guillot fut publiée en 1844, dans la Revue des deux mondes, juste après l'admission de Mérimée à l'Académie française. Dès sa parution, un scandale éclata, encouragé par de nombreux académiciens : l'héroïne homonyme y est jugée immorale. En effet la nouvelle met en scène une courtisane, qualifiée d'une morale de cœur, et son opposée Mme de Piennes, imbue d'une morale religieuse et mondaine. Mais la morale n'est pas là où l'on devrait s'y attendre, chez la dévote, mais chez Arsène.
[...] La mort est présente dès le début de Arsène Guillot, dans les descriptions de la mourante, pâle ou dans sa tentative de suicide. Mourir d'aimer est d'ailleurs bien une récurrence du XVIII° siècle, avec son écriture morale et son intrigue centrée sur l'adultère. Mérimée oscille encore entre topos extérieurs et intérieurs à ses nouvelles. Le faux témoignage qu'il semble mettre en scène renvoie de plus aux inscriptions de la Vénus d'Ile, mais aussi au genre épistolaire du XVIII°. Surtout ne doutez-pas que mon histoire soit vraie. [...]
[...] Relié à un enthousiasme romantique, mais gardant avec nostalgie l'esprit indépendant du XVIII° siècle, Mérimée a empreint sa nouvelle des codes intertextuels inhérents à cette époque. Or la référence à une intertextualité avec un hypotexte renvoie sans conteste à une définition du pastiche. Celui-ci relève d'une imitation stylistique dont l'hypotexte est plus flou et épars que celui de la parodie, ciblé sur une œuvre en particulier. Clichés et lieux communs sont alors la base de la nouvelle. Les clichés sont les constructions formelles récurrentes en littérature, telles que les comparaisons ou les métaphores ; quant aux lieux communs ou topos, ils reprennent les thèmes essentiels. [...]
[...] Pour preuve le cliché de ses yeux ardents comme des flambeaux comparaison récurrente dans les romans d'amour : la fièvre aux deux visages. La passion d'amour renvoie aussi à la maladie. Un autre écho de la princesse de Clèves apparaît aussi, celui du portrait. Souvenons-nous de Madame de Clèves contemplant le portrait de son amant et celui-ci la regardant à la dérobée à travers la fenêtre. Nous pouvons y découvrir une ressemblance avec le portrait supposé volé par Max. Dans le portefeuille entrouvert, madame de Piennes crut voir un portrait de femme. [...]
[...] Les deux amants concrétisent leur amour dans un lieu à l'écart du monde, comme ici la chambre d'Arsène. Et ceci implique souvent une mise en scène théâtrale : Dans un petit cabinet, derrière l'alcôve, il y avait une table avec de l'encre et du papier ; elle s'y assit et se mit à écrire un billet. Tandis qu'elle cherchait un pain à cacheter dans un tiroir de la table, quelqu'un entra brusquement ( ) Avec le triangle amoureux s'ensuivent souvent des quiproquos. [...]
[...] À cause de la profusion de lieux communs, Arsène Guillot fut jugée comme une nouvelle sans talent, mal employé. Or, c'est justement grâce à son talent que Mérimée regroupe la plupart des topoïs littéraires du XVIII° pour en faire un pastiche oscillant entre ses thèmes à lui et ceux de ses prédécesseurs. L'héroïne inattendue qu'il met en scène appelle la complicité du lecteur et ironise sur tous ses procédés textuels. Le jeu entre ses clichés personnels et les topos littéraires généraux amène, comme tout pastiche, une idée de médiocrité de la société et de l'éternel humain : tout est stéréotype. [...]
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