Le premier témoignage de la parole de Claude Simon matériellement extérieure à son oeuvre est un court entretien publié dans Les Nouvelles littéraires au début du mois de novembre 1957, au moment de la publication du Vent. L'épitexte simonien a par la suite été généré de manière relativement régulière, le plus souvent en réponse aux sollicitations de la critique (journalistique, intellectuelle, universitaire), mais parfois également à l'initiative de l'auteur lui-même. Aujourd'hui, la bibliographie de cet épitexte (voir p. 217) présente des textes de nature très diverse (entretiens, débats, réponses à des enquêtes, opinions, critiques, discours, lettres ouvertes, etc.). Il nous a cependant semblé possible d'y voir deux grands ensembles, qui se distinguent par leur contexte de publication et leur tonalité générale : un premier ensemble constitué de textes publiés dans un contexte journalistique, à destination d'un public relativement large, et un second ensemble constitué de textes publiés dans un contexte éditorial spécialisé, au sein de revues, d'ouvrages critiques ou d'études universitaires. Ce second ensemble présente un nombre relativement faible de textes, pour la plupart bien identifiés. En revanche, le premier ensemble, très épars, est devenu avec le temps d'une consultation peu facile. Il présente pourtant une série de témoignages, aussi spontanés que précieux, d'un "discours sur l'oeuvre" dont la critique simonienne a dès ses débuts reconnu la valeur. Au travers de ce travail, nous avons tenté, à notre niveau, de participer à l'amélioration de cette situation. L'ampleur de la tâche nous a contraint à nous limiter à une partie de l'épitexte simonien paru dans la presse : les entretiens. Nous nous proposons de présenter dans cette introduction notre démarche, qui a consisté en deux étapes : une première étape d'exploration de l'épitexte simonien, qui nous a permis de délimiter notre champ d'étude, et une seconde étape d'édition des textes retenus.
Notre travail de recherche des textes s'est appuyé sur l'inventaire de l'épitexte simonien hébergé sur le site Internet de l'équipe de recherche "Hubert de Phalèse" (Université Sorbonne-Nouvelle - Paris III). Cet inventaire comprenait une centaine de références (entretiens, débats, réponses à des enquêtes, opinions, critiques de livres, lettres ouvertes, etc.) auxquelles nos recherches nous ont permis d'ajouter dix références nouvelles. Nous y avons distingué deux ensembles : d'une part les références publiées dans la presse, et d'autre part les références publiées au sein de revues, d'ouvrages critiques ou d'études universitaires. Le premier ensemble se caractérise essentiellement par une très grande richesse de forme et de ton. Le second se rapporte à une trentaine d'entretiens ou de textes, d'une longueur significativement plus importante, souvent mieux connus de la critique car générés à son initiative. À cette étape de la définition de notre travail, nous avons pris le parti de nous concentrer sur le premier ensemble de références, dont la recherche et la numérisation des textes semblait déjà constituer un travail d'une certaine ampleur et d'une certaine utilité.
Dans un second temps, nous avons distingué deux sous-ensembles dans le premier ensemble de références retenu : d'une part, les entretiens et d'autre part toutes les autres formes de témoignage de la parole de Claude Simon. Les entretiens individuels présentent le point commun d'avoir, dans leur grande majorité, été réalisés à l'occasion de la sortie des livres de Claude Simon. Ils abordent essentiellement des problèmes littéraires en rapport direct avec ses oeuvres et, au fil des années, retracent à la fois l'évolution et la cohérence de son discours. Le second sous-ensemble (constitué de réponses à des enquêtes, de participations à des débats, des chroniques de livres, d'opinions, etc.) aborde des questions d'ordre plus général, en ce qui concerne la littérature, le cinéma, les arts en général ou même la politique.
Le premier sous-ensemble des entretiens s'est imposé à nous, pour la cohérence de son contexte de publication et de ses thèmes. De ce groupe de quarante-trois références, nous présentons ici les quarante dont nous avons réussi à retrouver le texte. Trente d'entre elles, dont l'importance nous a semblé particulièrement significative, sont intégrées au sein d'un corpus d'édition et d'étude. Les dix autres sont regroupées en annexe et font l'objet d'un travail d'annotation moins approfondi : il s'agit de sept entretiens dont l'intérêt nous a semblé moindre et de trois comptes-rendus d'entretiens au sein desquels la parole de Claude Simon est pour l'essentiel rapportée au discours indirect.
La seconde grande étape de notre travail a consisté en l'édition des textes du corpus. C'est une tâche minutieuse que nous avons voulu accomplir à la fois de la façon la plus complète et la plus discrète possible. Notre appareil de notes de fin de texte comprend deux grands types de notes : les notes de références et celles que l'on peut qualifier de notes "intertextuelles". Les premières fournissent des informations précises et brèves : elles indiquent par exemple les références d'une citation. Les secondes constituent une série de renvois, parfois relativement complexes, entre les différents entretiens du corpus. Ces notes ne visent pas au systématisme d'un index ni à la théorisation d'une étude critique. Elles tendent seulement à offrir au lecteur consultant ponctuellement le recueil la possibilité d'en avoir une vision quelque peu globale. Lorsque les renvois relatifs à un même thème étaient suffisamment nombreux pour le justifier, nous les avons centralisés au sein une même note, en général la première afférente au thème en question. Certaines notes intertextuelles se sont ainsi progressivement imposées par l'importance qu'elles ont pris dans l'ensemble : nous pensons entre autres à la note 4 p. 28, relative à l'importance de la sensation ; à la note 6 p. 36 relative à la notion d'harmoniques ; à la note 2 p. 125 relative au "tournant" qu'a représenté L'Herbe ; ou encore à la note 12 p. 125 renvoyant aux nombreuses fois où Claude Simon se réfère à la citation de Paul Valéry : "si l'on s'inquiète [...] de ce que j'ai "voulu dire" [...], je réponds que je n'ai pas voulu dire, mais voulu faire, et que ce fut cette intention de faire qui a voulu ce que j'ai dit..."
Au fond, notre travail a seulement ici été de mettre en avant le discours de l'auteur et, pour reprendre des mots souvent employés par Claude Simon, de souligner sa cohérence par quelques "assemblages", quelques "arrangements" et quelques "combinaisons". Nous espérons que ces suggestions se révèleront à l'usage d'une certaine utilité dans le travail sur l'oeuvre (...)
[...] J'ai seulement fait ce que je devais, parfois en crevant de peur. Chaque fois que je pensais que j'allais être tué, j'éprouvais un regret affreux de la vie. De la vie dans ce qu'elle m'offrait même de plus simple : une herbe, le vent A. B. : Autant de titres de vos livres. C. S. : Et voyez : si je n'étais pas naturellement athée, je verrais partout le visage de Dieu : dans une pierre, dans un arbre, sur le visage d'un enfant. A. [...]
[...] Ce que j'ai voulu c'est forger une structure qui convienne à cette vision des choses qui me permette de présenter les uns après les autres des éléments qui dans la réalité se superposent, de retrouver une architecture purement sensorielle4. C'est cela qui me semble le plus naturel, le plus difficile aussi. Les peintres ont bien de la chance. Il suffit au passant d'un instant pour prendre conscience des différents éléments d'une toile5. Je voudrais amener le lecteur à confondre son temps avec le mien, à repérer mes thèmes, mon thème. [...]
[...] Sartre n'a rien fait d'autre en réalité que de prôner, en l'habillant de formules apparemment brillantes, le fameux réalisme socialiste de Jdanov. Mais comment un roman c'est-à-dire, par définition, une fiction peut-il avoir une valeur exemplaire ? Il ne peut pas être la démonstration d'une thèse. Voilà qui suppose une discussion ardue, des définitions préalables. Le roman réaliste soutient-il fatalement une thèse ? À toute époque, les hommes n'ont-ils pas besoin d'une parole circonstancielle d'œuvres qui leur parlent directement ? J'avance un titre : Les Thibault. Non, visiblement, Claude Simon n'aime pas. [...]
[...] Il s'excuse d'abord de son apparente brusquerie, celle dont il fit preuve le matin même au téléphone. Je croyais, d'après des photographies de presse me trouver en présence d'un homme haut et large. Il est de taille moyenne. Mais ce qui frappe d'abord c'est un visage d'une extrême mobilité lorsque Claude Simon parle, et une attention des plus grandes lorsque je l'interroge Sur la nature des points d'accords entre Claude Simon et les nouveaux romanciers voir p entretien avec Madeleine Chapsal (L'Express, 5-11 avril 1962), n Claude Simon fustige à nouveau le romancier homme-orchestre p entretien avec André Bourin, n Sur l'importance de la notion de sensation, voir p entretien avec Claude Sarraute, n Commentant son travail, Toulouse-Lautrec (1864-1901) aurait affirmé à la fin de sa vie J'ai tâché de faire vrai, et non pas idéal Claude Simon se réfère souvent au Nègre du Narcisse : voir p entretien avec André Bourin, n Nous n'avons pu retrouver l'origine de cette allusion. [...]
[...] Sa concentration a été suffisamment poussée pour que l'étude de soi qui en résulte rejoigne l'expérience de chacun, l'étoffe commune. En effet, me dit-il, en écrivant ce livre, je disais à ma femme, il me semble découvrir enfin ce qu'est l'écriture. Il rit. Sa voix chante un peu, je crois y retrouver une pointe d'accent de son Roussillon d'origine. Je ne l'avais encore jamais rencontré. J'imaginais, d'après ses photographies, un homme un peu solennel, immobile. C'est au contraire sa jeunesse de gestes, la vivacité de son regard qui me frappent d'abord. [...]
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