Dans Le temps retrouvé, Proust met en scène un narrateur qui, après avoir été livré à l'indifférence et l'amertume, s'interroge sur l'art et la littérature. Il est alors amené à une réflexion sur sa vie, son passé, ses intérêts, mais aussi sur l'importance des œuvres littéraires sur notre vision de la vie et de nous-mêmes. C'est pourquoi il affirme « L'écrivain ne dit que par habitude prise dans le langage insincère des préfaces et des dédicaces : “mon lecteur”. En réalité, chaque lecteur est quand il lit le propre lecteur de soi-même. L'ouvrage de l'écrivain n'est qu'une espèce d'instrument optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre il n'eût peut-être pas vu en lui-même. La reconnaissance en soi-même, par le lecteur, de ce que dit le livre, est la preuve de la vérité de celui-ci ». L'enjeu majeur d'une œuvre est-il ainsi de servir l'intérêt du lecteur en lui permettant une meilleure connaissance de lui-même ? Ou bien a-t-elle d'autres fonctions, d'autres aspects ?
[...] De plus, une œuvre n'a pas nécessairement besoin d'une reconnaissance en soi même par le lecteur pour avoir du succès. Au XVIIe siècle, les romans idéalistes avaient pour but de faire rêver les lecteurs en mettant en scène des héros sublimes et des aventures extravagantes, telles que le roman héroïque d'Artamène ou le grand Cyrus, sur les aventures amoureuses du héros et de Mandane, écrit avec de nombreuses péripéties et aventures invraisemblables. Ces romans étaient énormément lus à une certaine époque, et ne se souciaient pourtant pas de faire coïncider les récits avec la réalité. [...]
[...] Et même sans s'y reconnaitre, il est possible de prendre conscience de choses sur soi-même en lisant des œuvres, même d'une autre époque et d'un autre genre. Dans L'écume des jours de Boris Vian par exemple, qui est par ailleurs une œuvre surréaliste, les personnages de Colin et Chloé sont atypiques et vivent dans un quotidien singulier, pourtant cette œuvre amène à se poser des questions sur nos représentations personnelles de la vie. On peut aussi citer Belle du Seigneur d'Albert Cohen, récit d'une histoire d'amour tourmentée entre Solal et Arianne. [...]
[...] Pour conclure, Proust, en affirmant que l'enjeu majeur d'une œuvre romanesque est la reconnaissance en soi même du lecteur, met en évidence l'idée que le roman est un genre à dimension réflexive, qui n'a pour seul objectif que de renvoyer le lecteur à lui-même. Effectivement, il est possible de dire que le roman apporte bien plus aux lecteurs qu'un simple divertissement, et représente un outil d'enrichissement sur le monde et sur soi-même. D'ailleurs, chaque œuvre, par une interprétation singulière du lecteur, peut transmettre des réflexions sur l'existence humaine. [...]
[...] D'après Proust, le roman est un moyen évident de prendre conscience de certaines choses implicites et de voir, au-delà de l'histoire fictive, une lecture de soi-même, bien plus qu'un récit imaginé par l'auteur. Cependant, l'auteur est-il seulement au service de ses lecteurs par le biais de ses œuvres en leur permettant une reconnaissance personnelle ? De plus, un roman n'a-t-il pour seul but que de faire réfléchir le lecteur sur lui- même ? La citation de Proust peut être nuancée. [...]
[...] L'œuvre d'un écrivain peut avoir une visée autre que la reconnaissance du lecteur dans ce qu'il lit. Par exemple, l'auteur peut rendre compte d'une époque particulière, ou bien d'un monde imaginaire complètement différent qu'il aurait inventé dans le but de faire voyager le lecteur. C'est le cas du roman La peau de chagrin d'Honoré de Balzac, qui raconte l'histoire de Raphaël, un jeune homme malheureux, à qui un apothicaire offre une peau d'âne qui réalise tous ses souhaits, mais rétrécit à mesure du temps et à l'image de sa vie. [...]
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