« Le miracle de Bérénice, c'est que cette pièce du triomphe de la volonté, dont la courbe morale est ascendante, où la fatalité tragique, si peu racinienne, ne se joue pas des héros, mais où elle doit compter avec leur lucidité efficace, est en même temps la plus racinienne des tragédies. Car cette situation et ces personnages (…) se révèlent dans une atmosphère dont la tonalité est précisément pour nous Racine même. Grandeur et mesure, élégance et naturel, poésie et vérité sont ici merveilleusement unis. » Raymond Picard
[...] Il y a bien unité de temps, l'action se déroulant sur une seule journée (« ref13»). L'unité de lieu est aussi suivie, les personnages se rencontrant tour à tour dans l'espace séparant les appartements de Bérénice et de Titus. Quant à l'unité d'action, elle est ici poussée à l'extrême puisqu'elle se résume à une seule intrigue très simple: Titus, passionnément amoureux et aimé de Bérénice, renoncera-t-il au pouvoir ? On remarque, enfin, que les obligations de vraisemblance et de bienséance sont également particulièrement bien respectées dans Bérénice. [...]
[...] Seuls des sentiments d'une grande force et d'une grande tristesse proviennent des trois personnages. Il a aussi pu être reproché à Bérénice de relevé plus du texte poétique que de l'écriture théâtrale. Il est vrai que le travail d'écriture y est très approfondi. Ainsi, au-delà des classiques alexandrins qui sont de rigueur dans l'écriture théâtrale du XVIIe siècle, Bérénice contient plusieurs passages qui sont de vraies réussites poétiques et lyriques. On pense notamment à quelques vers très célèbres. On relève ainsi des hyperboles : « Ref9» (v.269). [...]
[...] Enfin, on peut ajouter que le but visé de la tragédie et de celles de Racine en particulier est là aussi bien atteint. Bérénice, par son dénouement reposant sur la séparation et l'éloignement des héros amoureux, a bien pour but de moraliser le public en lui montrant l'exemple des grandes souffrances qu'entraîne la passion. Le rôle traditionnel de purgation des passions (la catharsis) est donc pleinement assumé par cette pièce sans que le dramaturge ait besoin de recourir à la violence de l'action. [...]
[...] Antiochus, par exemple, bien que frustré et rejeté par Bérénice, lui reste dévoué et accepte d'annoncer la nouvelle du rejet de Titus. Les moralistes du XVIIe siècle ont d'ailleurs accueilli positivement le sacrifice de Titus et de Bérénice : la pièce leur donne des arguments pour défendre le rejet des passions. Bérénice quitte Rome pour la Palestine, elle rentre seule, chacun des trois personnages sacrifie son amour. La morale est préservée. * Et pourtant, bien qu'ils se distinguent d'une certaine façon des autres tragédies de Racine, les héros et leur histoire correspondent merveilleusement bien au style racinien. [...]
[...] Ce ne sont pas les sentiments non plus qui meurent : l'amour est toujours là, mais il n'apporte plus que de la souffrance. Ce qui meurt dans Bérénice, ce sont les relations de bonheur entre les personnages, c'est l'espoir, c'est le partage intime. Il n'y a plus de bonheur possible pour aucun d'entre eux : « Ref17» chacun des trois personnages souffre terriblement à l'idée de devoir se séparer de l'être aimé. Au point que la séparation semble même encore plus tragique et funeste que la mort physique. [...]
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