Nous allons aujourd'hui nous interroger sur les diverses significations de l'aventure au sein d'Erec et Enide. Avant toute chose, il me semble justifié de faire un détour lexicologique vers les différents sens du terme en Ancien Français ; en effet, le substantif féminin "aventure" connaît un réseau de sens dense au Moyen-Age, réseau qui nous permettra par la suite d'explorer les différentes facettes du terme, en texte. Commençons par un retour à l'étymon : "aventure" tient son origine du latin adventura issu du verbe advenire, qui signifie "survenir", "arriver". Selon la fiche lexicale complète du livre Vocabulaire de l'Ancien Français, pour ne pas le citer, le terme apparaît en Ancien Français au 11ème siècle dans les Lois de Guillaume, et désigne "ce qui doit ou peut arriver", en d'autres termes "l'évènement". Notons au passage que les notions de destin et de hasard sont au coeur du noyau sémique, l'évènement étant ce que l'on ne peut ni contrôler, ni prévoir. Néanmoins, il arrive que l'évènement surgisse quand on l'attend, ou même quand on le provoque, surtout, dans les romans de chevalerie et les romans courtois, quand on en est digne : "aventure" prend alors le sens de quête, recherche, presque toujours dangereuses. Seuls les chevaliers dignes de ce nom cherchent et réussissent l' "Aventure" avec un grand A, et acquièrent grâce à cela le los (la louange) et l'honor. Enfin, dernier sens mais non le moindre, dans le domaine littéraire, ce qui nous touche de près, l'aventure prend une dimension extraordinaire et désigne ce qui est digne d'être raconté ; le mot devient alors un quasi synonyme d'histoire, conte. Forts de ces différentes informations, nous allons désormais tenter de mettre au jour le ou les sens que Chrétien de Troyes attribue au terme "aventure" au sein du texte : pour ce faire, nous nous demanderons quels attributs sémiques il a pu retenir du terme (...)
[...] Nous l'avons dit, le substantif aventure apparaît 6 fois dans l'épisode, de façon très resserrée. Mais il nous faut remarquer que ce mot d' aventure apparaît par 4 fois dans la bouche de Guivret qui, dans une belle prétérition refuse de parler de la Joie de la Cour tout en la qualifiant assez pour exciter et l'imagination, et l'ardeur d'Erec. (vers 5389) Que passé a set anz ou plus / que del chastel ne revint nus / qui l'aventure i alast querre ou (vers 5395) Que ja par moi ne le savrez / Que par vos ne sera requise / L'aventure dont nul n'estort / Qui n'y reçoive honte et mort Tout ce qu'Erec saura par Guivret de l'aventure, c'est son nom. [...]
[...] Il n'y a là pourtant ni invention pure et simple ni stricte vérité. Mais les conteurs ont tant conté [ ] qu'ils ont donné à tous ces récits l'apparence de la fable Tout se passe comme si Chrétien de Troyes avait accaparé ce temps mort pour y déployer, en marge de l'histoire, son récit d'aventure sous forme de molt bele conjointure De la parole naît l'aventure Désormais, nous allons constater dans ce second point le statut particulier de la parole, profondément reliée à l'aventure dans le roman : de la parole naît l'aventure. [...]
[...] 5597) Mes con plus granz est la merveille, / Et l'aventure plus grevainne, / Plus la covoite et plus se painne. (Mais plus l'aventure se révèle extraordinaire et douloureuse, plus il la désire et s'en met en peine traduction de Michel Rousse) Comme nous l'avons vu la semaine dernière, les lieux de cet épisode sont marqués du sceau du merveilleux, le cour d'eau et le mur d'air, la cousine d'Enide se transforme en une figure de la fée captatrice, en référence à la prison de l'enchanteur Merlin. [...]
[...] Acceptation de l'aventure En effet, après décidé de se laisser subir les aventures, Erec va désormais les accepter, ce qui fait l'objet de notre seconde sous-partie. Pour reprendre les termes de Bezzola, après l'aventure pour le moi, Erec se lance dans l' aventure pour le toi En effet, Gauvain le lui a montré par son amabilité à son égard, à côté du moi, il y a un toi De ce fait, Erec ne va plus subir les attaques mais bien répondre à l'appel de la jeune fille poussé dans la forêt : vers 4282 : par la forêt tant cheminerent, / qu'ils oïrent crïer molt loing / une pucele a grant besoing. [...]
[...] La construction du texte met effectivement en lumière dans un premier temps l'Aventure de la quête d'Enide, puis celle de la réhabilitation en société. Commençons par la quête d'Enide, qui, dans un travail de tissage des aventures, offre un contrepoint à l'aventure minuscule) de la chasse au blanc cerf. Le roi risque l'état paisible de la cour en lui offrant l'épreuve de la chasse au blanc cerf : si l'aventure ne vient pas, il semble qu'il faille aller la chercher. [...]
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