Dans Paludes, Gide définit l'acte gratuit à travers le personnage d'Alexandre qui s'écrit : "Ce que vous appelez acte libre, ce serait, d'après vous, un acte ne dépendant de rien ; suivez-moi ; détachable - remarquez ma progression : supprimable, - en ma conclusion : sans valeur". C'est donc ici qu'apparaît pour la première fois dans l'oeuvre gidienne cette notion d'acte gratuit qui deviendra ensuite un motif récurrent dans les ouvrages postérieurs. On le retrouve ainsi dans Les Caves du Vatican à travers une question que Julius de Baraglioul pose à Lafcadio (et peut-être à lui-même) : "Comprenez-vous ce que veulent dire ces mots : le champ libre ?". Mais cette question, André Gide ne la pose-t-il pas aux lecteurs et à chacun d'entre nous (y compris à lui-même) ? Le concept de "champ libre" lie donc deux idées : le "champ" qui amène la notion de lieu, mais aussi de vue (champ de vision), et la liberté. Cette dernière est très vaste puisqu'il peut s'agir d'une indépendance intérieure et morale (qui selon Sartre amène le concept de "libre arbitre"), ou une liberté physique par les actes (...)
[...] Cela crée donc une relation de domination entre les hommes qui détermine davantage ceux qui sont soumis comme l'illustre dans Le Prométhée Mal Enchaîné, Damoclès qui vient de recevoir un billet de cinq cent francs d'un inconnu : avant j'étais banal mais libre. A présent j'appartiens à lui. Cette aventure me détermine; j'étais quelconque, je suis quelqu'un Etre riche, comme avoir un père, permet d'avoir une véritable identité, et donc, ce serait le fait d'être ainsi défini par quelque chose qui enlèverait sa liberté au personnage. Ainsi, il faudrait s'éloigner de cette société qui nous connaît, qui nous donne notre identité, pour être libre d'agir. [...]
[...] Pour voir On peut alors se questionner sur la redondance de cela : est-ce à cause de sa naïveté ? Si l'on s'en tient à la définition donnée par les personnages eux- mêmes, l'on se doit de garder comme unique réponse pour rien De même, dans Le Prométhée Mal Enchaîné, le garçon de café force implicitement trois personnes à se rencontrer et à lier des relations sans aucun but comme il le dit lui-même : c'est là comme qui dirait une action absolumment gratuite", "gratuitement! [...]
[...] Cette dernière notion de la liberté abordée et qui est établie par des lois, amène la question de la justice. Selon Montesquieu dans L'Esprit des Lois, Dans un Etat, c'est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être pas contraint de faire ce qu'on ne doit pas vouloir Ainsi, la liberté est garantie par des lois qui imposent la justice, c'est-à-dire, le respect mutuel des personnes, l'équilibre des liberté et une solidarité sociale. [...]
[...] Se pose alors la question du jugement du Bien et du Mal dans les oeuvres gidiennes. Le personnage qui agit sans raison juge-t-il ses actions, peut-il les qualifier de bonnes ou mauvaises, le lecteur peut-il le faire ? Il semblerait, d'après Julius dans Les Caves du Vatican, qu'on ne puisse juger quelqu'un qui agit gratuitement : Aucune raison pour supposer criminel celui qui a commis le crime sans raison Mais il apparaît aussi dans L'Immoraliste que celui qui se conduit ainsi n'a pas non plus la faculté de juger ses propres actes comme le montre le raisonnement de Michel lorsqu'il a assisté au vol des ciseaux de sa femme par le petit Moktir : Mon cœur battit avec force un instant, mais les plus sages raisonnements ne purent faire aboutir en moi le moindre sentiment de révolte. [...]
[...] Ainsi, par la mise en abyme qui le lie à Julius, l'auteur semble vivre l'acte gratuit par procuration puisque la société l'empèche de le faire dans la réalité. Cela fait de la littérature le seul réel lieu ou la liberté est pleinement possible. Le champ libre apparaît donc comme quelque chose de vécu par Gide dans la mesure où il l'utlise dans sa création littéraire, ce qui en fait une question de métalittérature. [...]
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