« Qui sait si chaque évènement ne réalise pas un rêve qu'on a fait, qu'a fait un autre, dont on ne se souvient plus, ou qu'on n'a pas connu » est l'interrogation qui sert de définition pour l'évènement selon Jules Renard. Ainsi peut-on se demander quels sont les éléments qui participent à renforcer l'incapacité d'une narration possible de
certains évènements de l'existence. Pour y répondre, nous entreprendrons d'examiner les éléments qui permettent de soutenir que certains évènements sont dotés d'une particularité les rendant difficiles à raconter puis, la manière dont d'autres évènements
ont facilités ce qui aboutira à se demander si, entre ces deux extrêmes, l'art de l'écriture est réellement capable de retranscrire toute une existence faite
d'évènements.
[...] Aussi, pour Jean Dubuffet, l'art s'adresse à l'esprit et non pas aux yeux Selon lui, l'art est un langage: instrument de connaissance et instrument de communication ce qui met en avant ici l'absence absolue d'une quelconque nécessité de l'usage d'un moyen de communication. De plus, d'autres écrivains pensent qu'il existe d'autres formes de langage: pour Marcel Duchamp, le contenu ou la valeur d'un tableau ne peuvent pas s'apprécier en mots. On ne peut pas trouver de langage pour parler de peinture. [...]
[...] Dans son livre intitulé W ou le souvenir de l'enfance, Perec assemble des morceaux de faits, de souvenirs incertains les uns aux autres, les présentant ainsi dans un cadre spatio-temporel assez vague de par l'absence de dates ou de lieux précis, montrant l'appartenance du livre au genre de l'autofiction. Mais cette utilisation de l'imagination afin d'atteindre de plus près la vérité peut parfois sembler déroutante voire fausse. Ainsi, l'extrait de l'auteur Grimarest, relatant les derniers instants puis la mort de Molière, semble avoir subi quelques retouches voire l'utilisation d'une forte modification des faits: la rationalité du lecteur veut remettre en cause l'authenticité d récit puisqu'il est fort peu probable que Grimarest ait pu se souvenir de la vie intégrale de Molière, sans en oublier un seul détail. [...]
[...] La peinture est un langage en soi ce qui vient réaffirmer l'idée que l'usage de la parole peut-être remplacé par un autre domaine artistique, domaine qui peut faire resurgir un souvenir et le même sentiment éprouvé que l'écriture n'aurait pu. D'autre part, certains écrivains pensent que l'écriture rend les péripéties d'une vie plus matérielle et donc, moins naturelle. Pour Jules renard, une pensée écrite est morte. Elle vivait. Elle ne vit plus. Elle était fleur. L'écriture l'a rendue artificielle c'est-àdire, immuable On peut donc dire que certains évènements, de par leur portée sentimentale ou de par un défaillance de mémoire restent particulièrement coriaces à raconter s'ils s'accompagnent de la propre volonté de l'auteur. [...]
[...] De plus, sa justification J'ai cru que je devais entrer dans le détail de la mort de Molière, pour désabuser le public de plusieurs histoires que l'on a faite à cette occasion montre ici l' esprit manipulateur de l'auteur, affirmant que lui seul sait ce qui s'est réellement produit afin de démentir d'autres rumeurs, ce qui remet en cause son honnêteté. En revanche, d'autres auteurs affirment clairement que la narration limpide dont ils ont fait preuve résulte d'un pur mensonge: Sartre, dans Les Mots se confie ouvertement, disant ce que je viens d'écrire est faux. Vrai. Ni vrai ni faux tout comme tout ce qu'on écrit sur les fous, les hommes. J'ai rapporté les faits avec autant d'exactitude que ma mémoire le permettait. Mais jusqu'à quel point croyais-je à mon délire? [...]
[...] Maintenant, je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être; qui sait s'il remontera jamais de sa nuit? Malgré cette incertitude et l'emploi de la fiction, certains auteurs, comme Marcel Proust n'en ont presque pas besoin: tout d'un coup le souvenir m'est apparu est la réaction que soutient Proust, en se souvenant des fameuses madeleines que sa tante lui donnait, ce qui connote ici la rapidité, la vivacité naturelle s'effectuant grâce à une simple sensation gustative. Rousseau, dans Les Confessions, revit encore les émotions de son souvenir, comme peut en témoigner l'extrait suivant: Un souvenir qui me fait frémir encore et rire tout à la fois La pratique laborieuse de la remémoration de certains évènements est parfois estompée par l'utilisation, quelquefois abusive, de la fiction permettant de combler des lacunes de mémoire lors de l'écriture. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture