Voyage au bout de la nuit est un roman où le narrateur est Bardamu, qui raconte son voyage dans des endroits radicalement différents, mais qui ont tous un point commun : étudiant en médecine, il s'engage dans la guerre de 14-18. Réformé pour cause de blessure, il s'engage dans la colonisation en Afrique. Déçu et malade, il part à la limite de la folie en Amérique du Nord : Détroit et NY. Rongé par le mal du pays, il termine ses études et s'installe en France en banlieue parisienne comme médecin dans la Garenne-Rancy -> à chaque fois, Bardamu se retrouve dans un monde qui le repousse et l'agresse, d'où la fuite en avant permanente. Vivre pour lui, c'est lutter pour la survie et c'est être en rupture permanente avec un ordre qui nous emprisonne. Essayer de vivre, c'est chercher à "s'en sortir".
La nature est présentée donc comme un univers négatif et négateur : on est très proche de la présentation que CAMUS en fait dans le Mythe de Sisyphe : ce qui nous environne nous nie. Une telle conception de la nature entre en contradiction totale avec la vision exaltée et romantique issue de l'époque des Lumières. BAUDELAIRE dans Le peintre de la vie moderne s'était déjà inscrit en faux contre la tentation de faire de la nature un modèle esthétique et moral : pour lui, la nature est essentiellement criminelle, dangereuse et c'est par l'artifice de la culture que l'homme parvient non pas à s'en extraire mais à extraire quelque chose de positif de cette nature ; seul l'homme peut extraire une fleur de ce mal.
Céline est encore plus radical : même les fleurs de la création humaine et la végétation se révèleront toujours angoissantes voire destructrices. Vivre c'est étouffer, être opprimé et ressentir la précarité de l'existence :
« La nature est une chose effrayante, et même quand elle est fermement domestiquée, comme aux Bois, elle donne encore une sorte d'angoisse aux citadins » (...)
[...] B ne croit en rien alors que R a des attaches avec la religion chrétienne : tout les oppose. Plus grave, R est marié mais n'a pas d'intérêt pour les relations charnelles les choses du sexe, il s'en foutait amplement Cette opposition est parfaitement exprimée lorsque B reconnaît que R est suicidaire : il n'a pas peur du risque, il le cherche, il est dominé par la pulsion de mort, il est dupe des représentations soc, alors que B est libre quoique lâche, et donc est en voyage alors que R est dans son dernier voyage, l'agonie. [...]
[...] On s'en aperçoit à la manière qu'on a prise d'aimer son malheur malgré soi. C'est la nature qui est plus forte voilà tout. Elle nous essaye dans un genre et on ne peut plus en sortir de son genre- là. Moi j'étais parti dans une direction d'inquiétude. On prend doucement son rôle et son destin au sérieux sans s'en rendre bien compte et puis quand on se retourne il est bien trop tard pour en changer C'est peut être çà qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir Molly a eu tort : elle a voulu intégrer, incorporer B dans une structure sociale. [...]
[...] Quand B a presque terminé son voyage, il avoue ne plus avoir de musique pour faire danser la vie, il n'arrive plus à jouer. B a peur d'être vieux, et il définit la vieillesse non pas par des notations physiologiques, mais psychologiques. Être vieux, c'est ne plus trouver de rôles ardents à jouer, c'est tomber dans cette insipide relâche, où on n'attend plus que la mort Réussir sa vie, faire sa vie, ce sera donc toujours s'en jouer et cherche à être enjoué, c'est trouver des moments d'idéal et de rêve dans le mensonge, dans le mal qui symbolise la condition humaine. [...]
[...] Tout près, moisit la petite fête foraine. La boue tire sur la fatigue et les côtés de l'existence sont fermés eux aussi : c'est déjà des cercueils, les murs Même les choses, les objets inertes, microscopiques sont dépourvus des qualités agressives des être vivants. Chez CELINE, les choses ou les êtres sont d'une manière équivalents à des altérités = des ennemis dotés non d'une personnalité propre mais de caractéristiques identiques. La présence de choses ou des ê se traduit par la saturation, décomposition organique. [...]
[...] Bardamu profite de la vie comme on profite de . philosopher n'est autre façon d'avoir peur et ne porte guère qu'au lâche simulacre MONTAIGNE Bardamu serait-il donc un héros hanté par le désir de connaître, de mettre un terme à sa démarche et de partager son savoir ? Serait-il le héros d'un roman d'apprentissage qui aurait quelque chose à nous apprendre ? Oui sans doute, comme le comprend très bien Molly vous être comme malade de votre désir d'en savoir toujours d'avantage Bardamu est un chercheur, il dit en abandonnant Molly comme si la vie allait apporter, caché ce qu'il voulait savoir d'elle, de la vie au fond du noir Cependant, B est un anti-candide : il a toujours une relation critique avec le réel, il est toujours dans le soupçon : il interroge le sens des choses mais en présupposant toujours qu'elles sont truquées. [...]
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