Qu'est ce que le temps retrouvé dans l'oeuvre de Proust?

Résumé du document

La question du temps retrouvé dans l'œuvre de Proust relève d'un processus de recherche et de construction dont la finalité est de libérer le sens caché des choses pour le révéler et l'immortaliser. Ce processus peut être décrit en deux phases.
Une première phase de recherche sur l'essence des choses. Cette quête se révèle aboutie quand l'auteur ressent une joie « céleste », qu'il qualifie d'expérience Vraie et qui ne lui fait plus craindre la mort.
Une deuxième phase de construction ou rédaction qui permet de traduire l'expérience du passé en mots, de la fixer par l'écriture pour la « retrouver » dans la lecture. Pour Proust, si l'écrivain arrive à traduire en mots l'expérience vraie alors son œuvre devient chef d'œuvre. Elle transcende la mort et le temps et se classe au rang des œuvres d'art dont le caractère propre est l'immortalité.

Extraits

[...] Il devient angoissé et anxieux lorsqu'il prend conscience de la décrépitude de son corps face à l'entreprise qu'il veut mener. Oui, à cette œuvre, cette idée du temps que je venais de former disait qu'il était temps de me mettre il était grand temps Il a peur de ne pas arriver au bout de son œuvre d'art. Il sait son œuvre nécessaire et durable. Son angoisse est la question du temps. Aura-t-il le temps de dire tout ce qu'il sait, perçoit et sent ? [...]

[...] Voici l'erreur qui place la mémoire à la superficie du souvenir et nous fait oublier l'essence des choses. C'est comme si les mauvais peintres avaient des couleurs sans vérité dira Proust dans une interview au journal Le Temps en 1912. Il faut distinguer une seconde formes de mémoire, celle qui est involontaires Proust considère que c'est la seule qui soit authentique parce qu'elle rapporte les impressions retrouvées dans un exact dosage de mémoire et d'oubli et surtout parce qu'elle se formule d'elle même. [...]

[...] Il cherche en l'écrivant à la transmettre au lecteur dans son essence même et en révéler ainsi toute La Beauté et La Vérité : Les vrais paradis sont les paradis que l'on a perdus Comme le dit Proust, c'est la réalité de notre propre vie qui s'exprime ici, et que la plupart des hommes ne connaissent jamais. Selon Proust, l'art possède donc un double intérêt d'une part il nous révèle à nous-mêmes et d'autre part il nous révèle aux autres. Le temps vécu, chez la plupart des hommes, se voit réduit à de nombreux clichés, stéréotypes, qui font obstacle dans la quête des essences, parce qu'ils n'ont pas été dépassés. L'idée, par exemple, que le passé est à jamais révolu en est un. [...]

[...] Proust a l'intuition que ces impressions son une ouverture sur une vérité intérieure, sur un réel insaisissable toujours masqué par la réalité bien qu'y trouvant son encrage. Le passé est toujours là comme dans un vase clos Ces résurrections sont la résultante d'expériences les plus insignifiantes mais qui gardent des éléments qui n'ont rien à voir avec elle et que notre intelligence a rejetés. L'expérience est alors enfermée comme dans un vase clos empli d'un parfum, baigné d'une certaine couleur, d'une certaine atmosphère. Ces vases sont suspendus à des altitudes diverses, disposés sur toute la hauteur de nos années, pendant lesquelles nous n'avons cessé de changer. [...]

[...] Ce temps ne se réduit pas à une image qui se remet en mouvement. Ce temps ressuscité ne correspond pas aux souvenirs de paysages ou de personnages mais il fait revivre dans son intensité devenue consciente ce qu'ils révèlent de soi grâce à leur absence même. Le coup de sonnette de Swann, la dégustation de la madeleine, les pavées inégaux de la cour des Guermantes, tous ces moments anodins et pourtant ineffables parce qu'ils sont inscrits dans la durée. Leur extériorité révèle l'intériorité qui y demeure accrochée, un temps présent mais aussi passé quelque chose qui est commun à la fois au passé et au présent est beaucoup plus essentiel qu'eux deux A travers ces expériences privilégiées c'est comme si le narrateur de A la recherche redevient celui qu'il était et qu'à son insu il n'a jamais cessé d'être. [...]