Réflexion sur l'art de la transposition en littérature et son pouvoir à exprimer l'indicible à partir de l'oeuvre de Camus, La Peste et la citation de R. Barthes, "je crois en un art littéral, où les pestes ne sont rien d'autre que des pestes, et où la Résistance, c'est toute la Résistance".
[...] Barthes, je crois en un art littéral, où les pestes ne sont rien d'autre que des pestes, et où la Résistance, c'est toute la Résistance En musique, transposer un morceau consiste à en changer la tonalité sans en changer la perception par l'auditeur. Le procédé est le même en littérature ; du thème majeur de la seconde guerre mondiale qu'ils veulent nous faire entendre, Camus et Grumberg en conservent la mélodie tragique en y changeant que la portée. Blondeau écrit à ce sujet : Pourquoi avoir choisi la peste ? [...]
[...] Les deux œuvres, si elles ne sont pas moins que la représentation de la réalité historique, sont en revanche davantage. Puisque qu'aucune référence historique n'est donnée directement, Amorphe n'est personne, Oran n'existe pas. La transposition permet en effet de ne pas exemplifier le réel, puisqu'elle ne la représente pas, mais d'en donner une vision totale, de passer du relatif à l'absolu, de l'Histoire au mythe. La peste n'est pas seulement une métaphore de la guerre, mais c'est aussi toutes les figures du Mal qui hantent la condition humaine, Rieux incarne la révolte des hommes contre l'absurdité du monde que l'on ne parvient pas à clarifier ; Amorphe n'est pas simplement la figuration du dictateur mais de tous les régimes totalitaires oppressant les peuples et la mort du troubadour, comme le danger toujours pressant de la censure artistique. [...]
[...] On peut maintenant comprendre que l'expression de la terreur trouve dans ce système d'écriture le chevalet adéquat pour y peindre son tableau le plus saisissant. Les deux œuvres ne sont en effet ni en dessous de l'Histoire qu'elles représentent, puisque la seconde guerre mondiale n'est pas décrite, imité, ni au dessus, puisqu'elles ne gardent de la réalité historique que la structure des faits objective dans l'équivalent symbolique qui la remplace. De sorte, l'expression de la terreur est juste ni trop faible, puisqu'elle n'est pas une imitation, ni trop forte, puisqu'elle ne souffre d'aucune dramatisation. [...]
[...] Puis nous verrons que la transposition permet, en ne gardant que la mélodie historique, de changer la portée pour la rendre plus signifiante. Enfin, nous verrons que les deux œuvres ne sont pas moins qu'une chronique de la seconde guerre mondiale, mais assurément plus La terreur est une manifestation émotive d'être en face d'une réalité qui dépasse l'entendement, qui est de l'ordre de l'indicible. Ce sentiment a été vécu par les témoins de la seconde guerre mondiale dont les deux écrivains veulent rendre sensible la sensation. [...]
[...] Représenter Hitler sous le personnage califien d'Amorphe qui tue à tour de bras c'est rendre plus signifiant la barbarie réelle du dictateur. De plus, les personnages des deux fictions concentrent dans leur psychologie les décisions et la morale des dirigeants, victimes et résistants. Cottard est l'homme que le fléau arrange, le symbole de la collaboration, l'oncle Merle le symbole de l'immobilisme religieux atteint de cécité. En concentrant dans un seul corps toute une catégorie d'acteurs de la guerre, la transposition permet d'obtenir une vision totalisante de l'Histoire qu'une écriture littérale ne pourrait transmettre. [...]
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