Dans son Dictionnaire des idées reçues, Flaubert définit le terme de Femme de chambre ainsi, « Plus jolies que leurs maîtresses. Connaissent tous leurs secrets et les trahissent. Toujours déshonorées par le fils de la maison. » Cette formule est frappante par son ironie et par sa facilité. Plus généralement que les femmes de chambre, les bonnes - c'est-à-dire les domestiques employées dans une famille et qui cumulent tous les rôles – occupent une place cruciale dans le cercle familial. La littérature désireuse d'exploiter la veine dite réaliste a donc abondamment utilisé le sujet, et a donc rendu tous ses aspects à la citation de Flaubert ; la figure de la bonne devenant presque un topo thématique, où le lien entretenu avec ses patrons est décliné sous toutes ses formes. Elle entre donc dans la littérature par le biais de son métier et par l'attachement qu'elle a à ses maîtres, attachement qu'il conviendra d'étudier dans toute sa possible réciprocité.
[...] Pourtant, celle-ci les refuse ; le symbole est très fort. Elle refuse la soumission, et plus que cela, elle refuse l'identification à Hilly. Cette notion d'identification est centrale dans notre étude. Dans la pièce de théâtre de Genet, les bonnes jouent à un jeu très dangereux ou chacune ne sait plus vraiment qui, il est Qu'est-ce que tu as ? Tu peux te ressembler, maintenant. Reprends ton visage. Allons, Claire, redeviens ma sœur . s'impatiente Solange. Les deux sœurs perdent de leur identité à mesure que leur identification (et leur amour) pour Madame grandit. [...]
[...] Cette pièce rapportée qu'est la bonne est en fait la figure du dérèglement de l'ordre familial, elle est un corps étranger qui trouble. On retrouve donc l'idée de Kosztolanyi : la bonne est une ennemie en tant qu'elle n'est pas à sa place, le rapport est donc intime, intense, mais aussi profondément malsain, conflictuel. La bonne vit dans un quotidien qui n'est pas le sien. On peut donc évidemment penser à la réaction de Minny face à son renvoi par Mlle Hilly, et à la tarte au chocolat. [...]
[...] Elle la sert, toujours dans une idée de service, presque de rapport de subordonnée à employeur. Ainsi, le rapport est faux pas définition, par nature. Le terme d'« amie n'a pas véritablement sa place dans cette relation. Et pourtant il est intéressant de remarquer que ce terme, comme celui d' invitée et souvent utilisé, presque de manière topique. Dans Az Ajto, à la page 12, comme on l'a vu précédemment Magda Szabo choisit aussi de faire dire à la narratrice qu'elle invite Emerence chez elle. [...]
[...] Il est intéressant de remarquer que ce terme d'« énigmatique choisi par Kosztolanyi pour qualifier la bonne est réutilisé quelques pages avant pour qualifier la maitresse (page 82 un sourire énigmatique On partira donc de cette remarque pour illustrer le renversement qui s'opère entre la bonne et sa maitresse. Tout d'abord, on peut imaginer que c'est finalement l'écriture qui fait une place aux maîtres. En effet, on peut maintenant s'intéresser aux titres de nombres d'œuvres traitant du sujet : Edes Anna, Germinie Lacerteux, pour ne se pencher que sur notre corpus. La bonne est dans ces deux cas le personnage éponyme. L'écriture fait donc une place aux maitres dans le sens où ils sont invités dans le livre de leur bonne. [...]
[...] Cette dernière transpose l'amour que son propre père lui portait sur la future journaliste lors de leurs soirées, la bonne se dévoile, comme une mère pourrait le faire J'ai eu ce jour-là le sentiment que Constantine m'avait fait un cadeau. De la même façon se crée un véritable lien entre Emerence et la narratrice de Az Ajto, comme on peut le lire à la page 79 Je crois que c'est à partir de ce moment-là, qu'Emerence m'aima vraiment, sans réserve. Ainsi, en ce sens, il est évident que le rapport entre les protagonistes est intime, personnel. [...]
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