L'effervescence littéraire et théâtrale du 17e siècle place cette période comme l'apogée du théâtre français. Le théâtre devient alors un art très répandu dans le royaume de France sur lequel se penchent de nombreux auteurs aux disciplines très différentes. L'une des particularités du théâtre du 17e réside en partie sur sa propre introspection ; on aime alors mettre en scène le théâtre dans le théâtre et ainsi s'interroger sur cet art, découvrir l'envers du décor.
Dans la pièce baroque qu'est Le Véritable Saint Genest, le travail théâtral est mis en scène sous ses nombreuses facettes cependant au-delà d'une présentation exhaustive des travaux d'une troupe de théâtre, la comédie des comédiens s'inscrit comme un plaidoyer de l'art théâtral face aux idées reçues de l'époque. La religion chrétienne dès sa genèse et notamment dans les écrits de Saint-Augustin dans La Cité de Dieu perçoit le théâtre comme un milieu où se fortifient les passions et les émotions mauvaises. L'idée fondatrice chrétienne de l'unicité de la personne s'oppose quant à elle fondamentalement au jeu du faux-semblant théâtral. En outre, les attaques des institutions chrétiennes, le théâtral est l'objet de nombreux stéréotypes et dépréciations concernant par exemple la frivolité de ses comédiens. Ainsi dans Le Véritable Saint Genest de Rotrou nous pouvons nous interroger sur la manière dont est représenté le travail théâtral et de quelle façon celui-ci est envisagé dans la société de l'époque.
[...] Selon Dioclétian, l'art théâtral doit avoir une place au sein de la vie de la cour royale, il est le moyen de marquer symboliquement un événement, mais aussi de le sublimer, l'exalter. Le théâtre est ainsi placé comme un art au service de la noblesse, des fastes, mais au-delà de sa fonction divertissante il est un moyen pour le souverain de se libérer temporairement des charges du royaume qui l'accable comme l'évoque le vers 222 Vous avoir délassés du grand faix de l'Empire Il était courant à l'époque que le souverain, notamment Louis XVI, fasse appel expressément à des troupes de théâtre pour son propre divertissement ; les comédiens agiraient alors indirectement à la bonne administration du royaume en délassant le souverain. [...]
[...] Le temps de la répétition et de la création scénique bascule au moment de la scène 5 lorsque le décorateur vient allumer les chandelles. Ainsi, la scène s'éclaire et prend forme pour les spectateurs ; ce basculement symbolique marque les limites entre la naissance de l'illusion théâtrale sur scène et l'envers du décor où se construit cette même illusion. Cependant, cette distinction n'est pas aussi stricte. En effet Rotrou dans sa pièce figure la performance de l'improvisation à travers Genest. [...]
[...] Le procédé de mise en abyme agit alors sur deux niveaux ; il place le spectateur dans une posture nouvelle qui le rend davantage conscient de son statut de spectateur, d'observateur par effet de miroir avec le public représenté sur scène, mais également présent aux spectateurs ses facteurs jusqu'alors invisibles pour lui. C'est ainsi que dans une certaine perspective apologique du théâtre que Rotrou exploite ce procédé en faveur de la pratique de cet art. Comme nous l'avons vu précédemment les premières scènes de l'acte 1 introduisent le prétexte de la représentation théâtrale, mais également l'arrivée de Genest et de sa troupe. Dans l'univers de la cour et de la royauté, les comédiens sont régulièrement convoqués par le prince pour des représentations privées. Cette procédure est justement exposée dans le Saint-Genest. [...]
[...] Le métier de comédien, mais également l'art théâtral est revalorisé et présenté comme autant rigoureux et difficile que tout autre domaine artistique. Cependant, cette apologie s'entend également à la figure du comédien et des sacrifices qu'induit la pratique de cet art. Celui-ci est représenté comme avant tout professionnel et donc les talents peuvent s'étendre au- delà de la fonction d'imitateur, mais rencontrer ceux du dramaturge. Malgré le caractère fictif de la pratique théâtrale, la force du théâtre repose dans l'émotion provoquée chez le spectateur et le discours que l'acteur peut transmettre face aux idées reçues concernant le théâtre notamment. [...]
[...] Cette même continuité suppose une progressive amélioration de l'art théâtral ; parallèlement, à l'âge d'or antique et sans renier ses auteurs, les auteurs contemporains à Rotrou considèrent leur siècle comme l'apogée de l'art théâtral. De ce fait, le théâtre en outre son rôle d'instrument de la gloire du prince est capable d'égaler les Anciens et de passer à la postérité. Le théâtre et sa pérennité est à la fois un témoin historique privilégié où revit momentanément sur scène les manières et questionnements d'une époque, mais également un art à part entière et légitime qui évolue de façon autonome. [...]
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