Tite-Live intitule son œuvre Ab Urbe condita ; mais, en fait, il remonte bien au-delà encore, jusqu'à la guerre de Troie. Enée fonde Lavinium ; son fils Ascagne, Albe-la-Longue. Puis vient Romulus. Il tue son frère et crée une troisième ville, héritière de celles qui l'ont précédée. Rome est dorénavant fondée. Le moment capital est arrivé. Et pourtant, Tite-Live n'en parle presque pas. Il nous met devant le fait accompli (condita urbs) et passe directement à l'action religieuse de Romulus : le fondateur organise des sacrifices. Puis, soudain, nous quittons la ville fondée pour revenir à l'époque où elle n'existait pas : Hercule passe sur le sol de la future Rome. Pourquoi Hercule intervient-il maintenant ? Eh bien, parce qu'avant, l'action se situait dans le Latium. Dorénavant, grâce à Romulus, Lavinium et Albe sont oubliées. Seule compte à présent Rome. Le sacrifice de Romulus à Hercule sert donc de transition pour expliquer son rite particulier. La légende vient corroborer l'« histoire » de la ville et l'expliquer.
Entrons donc dans la légende. Hercule a tué sa femme et ses enfants sous le coup de la folie envoyée par Héra. Pour expier cet affreux crime, il se rend chez Eurysthée, son cousin, roi de Mycènes. Celui-ci lui confie alors des missions impossibles à accomplir, dont Hercule reviendra à chaque fois et contre toute attente victorieux. Il s'agit de ses douze Travaux. Or, le dixième Travail consiste, pour le héros, à aller affronter le terrible Géryon, monstre au triple corps et à s'emparer de ses magnifiques bœufs dans l'île d'Erythie. Puis, il doit les ramener à Mycènes pour prouver qu'il a bien fait ce qui lui était demandé. Hercule se rend sur place, tue Géryon ainsi que Orthros, le chien tricéphale et Ménoitès, le pâtre d'Hadès, chargés de défendre le troupeau. Hercule rejoint alors l'Espagne et fait route vers Mycènes, poussant les bêtes devant lui . Sur son chemin, il passe sur le site de la future Rome. Pourquoi donc fait-il un tel détour par la botte italienne ? C'est qu'il doit passer par là. Sinon, comment s'expliquerait la fondation de l'Ara Maxima et du culte d'Hercule à Rome ? Sinon, d'où viendrait la différence séparant les Pinarii des Potitii ? Avec Hercule, tout s'éclaire, tout prend su sens et s'explique.
[...] Enfin, la légende manifeste la progressive perte d'influence du culte d'Hercule Inuictus ad Portam Trigeminam et son effacement progressif, malgré son ancienneté, - ou précisément à cause d'elle, - face au triomphe final de l'Ara Maxima situé sur le Forum Boarium[10] Le culte et ses rites : Le centre de la légende est précisément la fondation de l'Ara Maxima. Tite-Live nous précise qu'Hercule y est honoré Graeco ritu, selon un rite grec. S'il ne nous en dit pas davantage, d'autres auteurs développent cette affirmation. [...]
[...] Hercule a tué sa femme et ses enfants sous le coup de la folie envoyée par Héra. Pour expier cet affreux crime, il se rend chez Eurysthée, son cousin, roi de Mycènes. Celui-ci lui confie alors des missions impossibles à accomplir, dont Hercule reviendra à chaque fois et contre toute attente victorieux. Il s'agit de ses douze Travaux. Or, le dixième Travail consiste, pour le héros, à aller affronter le terrible Géryon, monstre au triple corps et à s'emparer de ses magnifiques bœufs dans l'île d'Erythie. [...]
[...] Dès le premier regard posé sur ces bêtes extraordinaires, au moment précis où le désir s'empare de son cœur, il n'est plus viable. Désormais, seule la mort peut clore l'affaire. Qu'il soit fils du puissant dieu des Enfers, monstre ou être humain à la force hors du commun, il lui est cependant impossible de survivre à son acte. Et il n'est pas le seul à succomber au charme des fameux bœufs possédés par Géryon, puis par Hercule, surtout si nous considérons que c'est par le meurtre de leur ancien propriétaire qu'Hercule entre en leur possession. [...]
[...] Or, un témoignage archéologique, un miroir étrusque, nous en donne une tout autre image : il y est représenté dans la posture d'un devin chantant accompagné d'une lyre, un peu comme Orphée. En un mot, c'est un uates. Quelle différence entre le Cacus étrusque, être à mi-chemin entre les hommes et les dieux grâce à ses dons prophétiques, et ce qu'il est devenu dans la légende romaine ! Par ailleurs, il existe une ancienne divinité latine, Cacus, parèdre de Caca. Or, s'il ne reste presque rien du culte de Cacus à l'époque historique, Caca a su se maintenir. Servius nous apprend qu'elle est honorée d'un feu perpétuel[48]. [...]
[...] Dira uiro facies, uires pro corpore, corpus Grande (pater monstri Mulciber huius erat).[44] Ces auteurs s'accordent donc pour dresser le portrait d'un être monstrueux et infernal. Ils divergent seulement sur les caractéristiques de cette inhumanité. Quoi qu'il en soit, c'est un être nuisible, malfaisant et malveillant par nature. Il est le mauvais et Hercule, en l'affrontant, se bat contre un être comparable à tous ceux qu'il rencontre au fil de ses Travaux. Seulement, voilà, Denys d'Halicarnasse et Tite-Live, auteurs plus rationalistes, ne se livrent pas à ces débordements poétiques ; ils ramènent cet être hors normes dans les limites de la condition humaine. [...]
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