Albert Cohen (1895-1981), écrivain suisse de langue française, a publié des poèmes, des pièces, des souvenirs (le Livre de ma mère), des essais, des romans (Solal, Mangeclous, Les Valeureux). Il s'inspire souvent de ses origines juives et méditerranéennes pour peindre des personnages hauts en couleur qui reviennent de roman en roman dans une ambiance fantaisiste qui n'exclut pas l'ironie et la satire sociale.
Dans Belle du Seigneur, son héros favori, Solal, homme jeune, beau, comblé d'honneurs qui occupe un poste élevé à la Société des Nations, vit une histoire d'amour fou, mais finalement tragique, avec la belle Ariane. Le roman offre aussi une description satirique des milieux diplomatiques genevois. Le passage proposé constitue les premières lignes du roman.
Belle du Seigneur, roman paru en 1968 qui peint l'amour fou entre deux héros beaux et jeunes, s'achève tragiquement, car Albert Cohen sait que la passion ne peut survivre dans la vie quotidienne.
La première page de cette œuvre – l'incipit - s'ouvre cependant sur une peinture idyllique du héros, Solal, au moment où il décide, lors d'une promenade en forêt, d'entamer sa conquête amoureuse. Les souvenirs des romans de chevalerie et du Cantique des Cantiques s'unissent pour évoquer l'allégresse des premiers instants de l'amour, non sans une fantaisie et un humour propres au tempérament d'Albert Cohen.
La joie victorieuse de ce héros presque épique s'harmonise en effet parfaitement avec le cadre où il évolue, tandis que du rapprochement subtil entre l'homme et la nature naît un humour attendri.
[...] L'auteur reste d'ailleurs conscient de la fragilité tragique de l'amour, comme l'attestent quelques touches plus sombres dans ce tableau du bonheur. Ainsi, les fourmis retournent à l'isolement après leurs caresses tendres, et les crapauds pleurent un amour perdu. Les charançons, malgré la surveillance des araignées, menacent la récolte amoureuse qui s'annonce. Ainsi l'adjectif étrange et l'adverbe étrangement qui encadrent le texte portent-ils à la fois sur l'atmosphère irréelle, fantasque du passage, mais aussi sur les mystères de l'amour, qui place l'extrême bonheur et l'extrême douleur dans le même sentiment. [...]
[...] L'espace décrit est aussi significatif. Une végétation luxuriante entoure le héros, avec une immobile forêt d'antique effroi qui rappelle les bois magiques et peuplés de dragons des légendes, comme la forêt de Brocéliande (on notera l'allitération en et l'assonance en Mais les noisetiers et les églantiers la fleur les ombrelles feuilletées des grands champignons des touffes de bruyère rose remplacent la solennité de la vaste forêt immobile par une série de gros plans sur une flore épanouie et riante, regorgeant de nourriture (les noisettes, les champignons) et protectrice (le chapeau des grands champignons abrite les lézards). [...]
[...] L'expression de l'assurance est d'abord traduite par ses pensées. Les deux dernières phrases du premier paragraphe retranscrivent en style indirect libre son monologue intérieur, et suggèrent, en opposant le passé et l'avenir, l'absence de courage et l'audace, l'idée d'un renouveau, d'une certitude : les deux plus-que-parfaits hier et avant-hier il avait été lâche et il n'avait pas osé sont effacés par la décision prise aujourd'hui et remplacés par les futurs que recouvre l'imparfait du style indirect il oserait et elle l'aimerait Le fait que l'on soit au premier jour du mois renforce la détermination de commencer une nouvelle existence. [...]
[...] Le champ lexical de l'Ancien Testament recoupe d'ailleurs parfois celui de la Chrétienté : le fils de l'homme est une expression fréquente dans l'Ancien Testament et elle désigne le Christ dans les Évangiles. D'autre part, le Seigneur évoque Dieu, mais aussi un titre féodal. L'absence de toute réalité moderne, ainsi que les adjectifs antique et préhistoriques contribuent à situer le texte dans un passé de légendes indéfinissable. Mais c'est le ton du passage, ce mélange des cultures, mais aussi de lyrisme et d'humour, qui nous indique que l'auteur est notre contemporain. [...]
[...] Pics : synonyme de piverts. Plan I. Un hymne épique à l'amour Le personnage Le cadre II. Le mélange de la fantaisie et de l'humour Le mélange des genres et des tons Une conception de l'amour humoristique Commentaire Albert Cohen (1895-1981), écrivain suisse de langue française, a publié des poèmes, des pièces, des souvenirs (le Livre de ma mère), des essais, des romans (Solal, Mangeclous, Les Valeureux). Il ne s'inspire souvent de ses origines juives et méditerranéennes pour peindre des personnages hauts en couleur qui reviennent de roman en roman dans une ambiance fantaisiste qui n'exclut pas l'ironie et la satire sociale. [...]
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