Belle du Seigneur, histoire de la passion entre ces deux amants au destin tragique, Ariane, la belle et Solal, son seigneur. Cette passion, rayonnante aux premiers jours, se voit peu à peu dépérir pour, au final, provoquer la perte de ce couple maudit. Oeuvre considérée comme le bijou de la littérature amoureuse du XXème siècle, elle est aussi celui de l'aliénation et de l'ennui, celui qui confine et broie la vie des amants que l'on pensait immortels. C'est Roméo et Juliette qu'on désacralise, Tristan et Yseult qu'on assassine. L'Amour avec un grand A est démythifié. Ici, la passion est mensongère, vide, hypocrite... Elle substitue l'amour mais le terme, lui-même, devient vide de sens.
Toute la modernité de Cohen réside dans son habilité à faire de son ouvrage, non pas un roman de la passion ou de grands sentiments, mais celui qui retrace l'histoire d'une défaite de l'amour-tendresse face à l'amour physique.
A ce stade de l'histoire, nos amants s'installent sur la Côte d'Azur, dans un somptueux hôtel. Ils semblent heureux, heureux de vivre, heureux d'aimer, heureux ensembles. Toutefois, on commence à percevoir un Solal las de cette vie "légère" et confortable. Le fait de perdre son poste de sous-secrétaire général à la Société des Nations, ainsi que sa nationalité française (suite à une intervention pour la défense des juifs allemands persécutés) le noie d'autant plus dans sa déprime. Pour soulager le poids qui les étouffe, les 2 amants préfèrent alors s'isoler et louent donc une villa : "la Belle de Mai". Et voilà qu'au bout de quelques jours seulement, l'ennui frappe à la porte. C'est le début de la fin.
C'est en nous basant sur la parole des personnages et le sens de celle-ci que nous essaierons de voir en quoi Belle du Seigneur, qui était au départ une peinture de l'amour passionné, est devenu le roman de l'anti-passion par excellence.
Hymne à l'amour et à sa déchéance, le roman traverse l'imaginaire amoureux collectif pour n'en retenir que la force désuète et le talent parodique. En effet, les beaux moments d'autrefois ne sont aujourd'hui que souvenirs, ils appartiennent au passé. Il faut donc, pour Solal et sa belle, ramener un tant soit peu de « vie dans cette agonie » (p. 1105). « Pauvres damnés du paradis » (p. 1105) pour qui l'amour n'est plus que jeu, comédie jouée l'un envers l'autre. Le lecteur assiste à une véritable farce de la passion qui, au final, ne fera que ralentir le naufrage inévitable du couple (...)
[...] En effet, le silence lui est souvent imposé Silence ! Mais je ne parles pas Silence tout de même ! p. 865) pour immédiatement exiger une réponse Réponds ! p J'attends la réponse p.870) . Adieu le chevalier de la belle, adieu le valeureux qui aurait pu délivrer sa douce du cachot où elle est tenue prisonnière. Sur un autre plan, le masque que porte Solal laisse apparaitre un autre visage. Il semble être possédé par un démon de langage. [...]
[...] L'ironie est due, ici, à l'écho d'un discours dont on veut montrer l'absurdité, l'inéquation au contexte. Deux énonciateurs interviennent alors: un locuteur ironique et un énonciateur sérieux. Le lecteur est à nouveau face à une certaine incertitude, une ambiguïté agaçante mais tellement prenante. L'acte sexuel, par exemple, au début si naturel, devient obligatoire, exigé par le terme même de couple Il n'a plus le sens d'autrefois. Il perd de sa valeur, ce qui prouve une fois de plus qu'on avance de plus en plus dans une déchéance inévitable. [...]
[...] Belle du Seigneur, histoire de la passion entre ces deux amants au destin tragique, Ariane, la belle et Solal, son seigneur. Cette passion, rayonnante aux premiers jours, se voit peu à peu dépérir pour, au final, provoquer la perte de ce couple maudit. Œuvre considérée comme le bijou de la littérature amoureuse du XXème siècle, elle est aussi celui de l'aliénation et de l'ennui, celui qui confine et broie la vie des amants que l'on pensait immortels. C'est Roméo et Juliette qu'on désacralise, Tristan et Yseult qu'on assassine. [...]
[...] Les personnages de Belle du Seigneur peuvent se rattacher à certains de ces "styles" d'amour. Pour Solal, c'est une autre histoire. S'élever pour mieux retomber. Chez Cohen, l'amour-passion se compose, d'une part, de l'amour physique, et, d'autre part, de celui de vanité. Quant à l'amour-goût, Cohen le considère comme étant intermédiaire dans les sentiments amoureux. Il n'a donc pas sa place dans ses romans. Il laisse sa place à l'amour maternel qui s'oppose, lui, à l'amour conjugal. Ici, le couple échoue à passer de l'amour-passion des amants à "l'amour- amitié" des époux, c'est-à-dire des découvertes des débuts (p.807) à l'attendrissement de voir l'autre dans ses petits travers quotidiens et de l'absence de relations avec le monde extérieur. [...]
[...] Solal devient donc contradictoire : il passe de la tendresse intime, complice, à la froideur ou au silence. Ses moments de jalousie sont, pour lui, un plaisir offert à Ariane pour la sortir de la monotonie il lui avait confectionné de petites jalousies Dietsch par pure bonté, pour lui faire plaisir p. 1095). Tout est bon pour lui pourvu que la routine dans laquelle ils vivent est rompue. Ariane accepte donc de jouer le jeu, soit par amour pour Solal, soit par obéissance face à son "prince". [...]
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