Que peut représenter la notion de bel âge dans ces trois oeuvres, dans lesquelles la thématique de l'âge est bien présente mais de manière très différente? Il semble au premier abord que ce soit l'enfance qui, dans ces trois oeuvres, représente le bel âge, plus moral, plus sage, plus propice enfin à la création esthétique.
[...] Ainsi Milou se fait-il rabrouer à plusieurs reprises pour avoir déçu sa mère, et sa joie de blesser les adultes est claire : lors de l'épisode avec le fermier, il trouve la saillie qui fait mouche, puis Milou se réjouit : il a réussi à faire de la peine à son père Les œuvres ne font donc pas une apologie univoque de l'enfance comme bel âge, puisqu'elles rappellent aussi que la fin de l'enfance est appelée bien souvent âge ingrat L'âge ingrat est, au sens propre, celui où les enfants perdent leur grâce, et où ils n'éprouvent plus de reconnaissance, ceci du point de vue des parents. Mais à la lecture de nos trois œuvres, si l'on se focalise sur le vécu des enfants, l'on peut qualifier toute l'enfance d'âge ingrat, lorsqu'il est vécu de l'intérieur cette fois. Premièrement, l'enfant n'est pas, lui, heureux ni charmé de son âge si tendre (Athalie). [...]
[...] Même si elle n'atteint pas les extrêmes de la tragédie de Racine, la cruauté des adultes semblent menacer des enfants, dans l'ensemble, sans défense. Enfin l'enfance est également une période de vives souffrances psychologiques ou sentimentales, comme le montre la première nouvelle des Enfantines, puisque les enfants conçoivent des amours qui ont toute la frénésie et l'énergie de leur jeunesse. La narratrice de Rose Lourdin, dès la première page, se rappelle : Et nous étions en effet dures les unes pour les autres, et malheureuses. [...]
[...] Lorsqu'il fait ces choses, il sent qu'il a atteint un sommet et se figure avec joie l'arrivée de la trentaine puis de la quarantaine. Plus gravement, les enfants sont des êtres chétifs pour lesquels l'entrée dans la vie ne se fait pas sans heurts. La petite Dolly tuée par la maladie ne quittera jamais l'enfance et avance désarmée vers l'épreuve finale que les adultes, qui ont plus vécu, redoutent. Joas à peine né est confronté à la violence sanguinaire de sa grand-mère, et est encore menacé de mort s'il est découvert. [...]
[...] Cependant plusieurs éléments, dans les mêmes œuvres, semblent en contradiction avec ce constat, ou du moins imposent de le relativiser. D'autre part, le point de vue adopté dans les œuvres était celui des adultes ; il faut prendre en considération celui des enfants eux-mêmes, tel qu'il est présenté. D'abord, l'innocence de l'enfant semble parfois problématique. Elle est parfois sans autre forme de procès niée chez Larbaud, qui montre de quelles ressources de méchanceté les enfants disposent, notamment le petit Emile Raby, qui, vexé, cherche une injure à lancer au fermier venu rendre visite à son père. [...]
[...] Ainsi se font jour des failles dans le monde féerique des enfants, et leur pouvoir poétique de transfiguration montre ses limites. Bien plus, la création esthétique, le plus souvent, leur est impossible ; quand bien même leur imagination ne se heurte pas à la dure barrière des réalités, la mise en mots de leurs rêves, de leurs visions, de leurs souvenirs, leur est interdite. Car l'enfant est aussi l'infans, celui qui n'a pas la maîtrise des mots. Ainsi quand le futur monadologiste décide qu'il est investi d'une mission poétique, il ne peut achever. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture