Poète, romancier, dramaturge, l'écrivain irlandais Samuel Beckett est non seulement un homme d'intense création mais également un personnage littéraire controversé par son talent novateur. Après une longue traversée du désert par l'échec de ses poèmes de l'après-guerre jusqu'à 1951, sa pièce En attendant Godot lui apporte enfin le succès et une certaine notoriété. Qualifié d'original et créateur d'un nouveau style théâtral par certains critiques et d'imposteur par d'autres, Beckett suscite de nombreuses polémiques auxquelles il ne réagira pas.
Pourtant, Fin de Partie, deuxième pièce mise en scène de l'auteur, dont l'écriture fut longue et laborieuse, sera jugée trop sombre et incompréhensible par nombre de directeurs de théâtre et Beckett devra revoir trois fois son manuscrit (la première version comportait par exemple deux actes et les évènements s'enchaînaient tout au long de la pièce) pour parvenir au texte définitif.
D'abord rédigée en français, Beckett étant un cas quasi unique dans la littérature par son oeuvre bilingue anglaise et française, la pièce sera représentée pour la première fois au Royal Court Theatre de Londres le 1er avril 1957. L'accueil du public et de la presse est loin d'être unanime. Fin de Partie sera assimilée au théâtre de l'absurde, ce dont Beckett se défendra, niant toute appartenance à un groupe littéraire quelconque. (...)
[...] Mais la géographie de la pièce reste très élémentaire, ce qui contribue à accentuer l'impact dramatique. L'on peut qualifier cet espace clos de prison, car hormis Clov, en théorie, peut en sortir. Cependant on peut également y voir un lieu propice au rêve, comme si les personnages utilisaient cet espace clos, sorte d'échappatoire à l'ennui et au quotidien monotone. Hamm s'en évade en effet par l'imaginaire, représenté sans handicap, dégoûtation et frustration : Si je dormais je ferais peut-être l'amour. J'irais dans les bois. Je verrais le ciel, la terre. [...]
[...] L'espace : originalité du traitement et multiplication des fonctions Même si Fin de Partie respecte, à l'image des tragédies classiques, l'unité de lieu, l'espace a aussi son originalité. Cette particularité propre au théâtre de Beckett était déjà présente dans En attendant Godot où les scènes, malgré les deux actes de la pièce, se déroulaient sur une route de campagne avec un arbre. Seules des feuilles apparaissent sur ce même arbre lors du deuxième acte comme indication d'une évolution du temps. [...]
[...] Et puis ? (Un temps). Enlever. Et remettre. Egalité. Essuyer. Et puis ? Bon (Un temps). Père ! [...]
[...] Quand je tomberai-je pleurerai de bonheur Encore une fois, Beckett manipule l'interprétation du concept clé de fin. Elle semble certes inévitable, mais en est-elle pour autant si proche que les personnages semblent penser ? L'ultime monologue de Hamm peut être interprété de plusieurs façons : si pour celui-ci, la partie se termine, seul, ce n'est pas pour autant l'imminence de la mort. La fin de la pièce est identique au début ( A moi [ ] de jouer pages 14 et 108 ou encore Vieux linge! [...]
[...] Ce manque de clarté volontaire vis-à-vis de l'élément temporel est propre au style théâtral de Beckett, si l'on en juge par une réplique d' En attendant Godot : Vous n'avez donc pas fini de m'empoisonner avec vos histoires de temps ? C'est insensé ! Quand ! Quand ! Un jour, ça ne vous suffit pas s'exclame le personnage de Pozzo. Cependant, au-delà de toute indication précise du moment où se déroule l'action, les personnages ne vivent pas pour autant en dehors du temps. L'on ressent un sentiment indéniable de durée, et une conscience d'une progression en cours. [...]
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