Disciple admiratif de Joyce, qu'il considérait comme l'ultime écrivain, Beckett a centré son œuvre sur l'impossibilité de dire ou d'écrire. Ce qui a amené Emmanuel Jacquard à déclarer en 1998 dans Le Théâtre de la dérision : « Ce que [Beckett] propose, c'est un art de l'innommable et du peut-être, une esthétique de l'oeuvre ouverte. Pour lui, la création originale n'a jamais de solution définitive. Elle s'impose comme une énigme, comme un tout auquel il manque certaines parties ». Cette assertion est composée de trois phrases déclaratives, chacune développant et explicitant la précédente. « L'innommable » peut renvoyer à ce qui est trop ignoble pour être désigné mais on retiendra plutôt le sens de ce qui ne peut être nommé, selon le contexte évoqué par le reste de la citation. « L'œuvre ouverte » faire référence à l'ouvrage de Umberto Eco, qui prône la mise en crise du sens par ambivalence, ambiguïté ou pluralité de perspectives. « L'énigme » est quelque chose à deviner d'après une définition obscure, quelque chose de difficile à connaître ; elle est ici insoluble définitivement et incomplète, ce qui ajoute à sa complexité. Ainsi, selon Jacquard, l'œuvre de Beckett donne une grande place à la réception par le spectateur, en effet, celui-ci serait le centre actif d'un réseau inépuisable d'interprétations non déterminées par la forme de l'œuvre même. La possibilité de multiplier les suppositions permettrait d'accéder au sens. Cette thèse est discutable car si toutes les pistes sont possibles, comment élaborer une interprétation sans s'égarer ; comment faire sens sans opter définitivement pour l'une ou l'autre ?
Finalement l'œuvre de Beckett est-elle une œuvre accessible car elle est ouverte ou bien est-elle une œuvre que l'on peut entrebâiller avec peine ?
Nous verrons d'abord que l'œuvre de Beckett est une œuvre ouverte dont on peut proposer diverses interprétations ; puis que cela la rend paradoxalement hermétique puisque le spectateur se perd face à toutes les voies qui s'offrent à lui ; enfin que pour accéder au sens il vaut peut être mieux ne choisir de toutes ces possibilités que la plus littérale.
[...] Le spectateur se retrouve désemparé, interdit, face à cette œuvre hermétique. Ainsi, lors de la première représentation de Fin de Partie en avril 1957 au studio des Champs Elysées à Paris, alors que Samuel Beckett assistait de façon exceptionnelle à la représentation de sa pièce, il s'est aperçu que celle-ci était incomprise, ou du moins mal comprise par le public : en effet, les spectateurs voyaient des situations comiques là où il n'y en avait point et inversement. Beckett ne pouvant le supporter a quitté la salle. [...]
[...] On n'est pas en train de de . signifier quelque chose ? Clov. Signifier ? Nous, signifier ! (rire bref) Ah elle est bonne ! L'hésitation de Hamm à prononcer le terme signifier donne l'impression qu'il s'agit d'un mot grossier. La réaction et le rire de Clov semblent indiquer qu'il s'agit d'une idée grotesque. [...]
[...] La possibilité de multiplier les suppositions permettrait d'accéder au sens. Cette thèse est discutable car si toutes les pistes sont possibles, comment élaborer une interprétation sans s'égarer ; comment faire sens sans opter définitivement pour l'une ou l'autre ? Finalement l'œuvre de Beckett est-elle une œuvre accessible car elle est ouverte ou bien est-elle une œuvre que l'on peut entrebâiller avec peine ? Nous verrons d'abord que l'œuvre de Beckett est une œuvre ouverte dont on peut proposer diverses interprétations ; puis que cela la rend paradoxalement hermétique puisque le spectateur se perd face à toutes les voies qui s'offrent à lui ; enfin que pour accéder au sens il vaut peut être mieux ne choisir de toutes ces possibilités que la plus littérale. [...]
[...] Ensuite, tal pourrait être le passé simple du verbe taler à la troisième personne du singulier, ce qui renferme l'idée de quelque chose périssable. Lorsque ta-la apparaît pour la première fois, il est suivi du mot lent en combinant les deux, on obtient talent soit l'aptitude qui manque à Winnie pour réussir quelque chose, mais cette possibilité de créer un mot nouveau n'est pas offerte les fois suivantes : tala malheur ne donne rien. Ces hypothèses n'aboutissent pas de façon satisfaisante. Tandis que si l'on reste plus proche du texte lui-même, l'énigme peut être résolue. [...]
[...] Les solutions sont toutes envisageables, cela signifie alors qu'il n'y a pas une solution et donc pas de solution. L'œuvre Beckettienne apparaît non comme une énigme mais comme un mystère, comme quelque chose d'obscur, insoluble, incompréhensible. Fin de Partie soulève de nombreuses questions au fil du texte, le spectateur attend du dénouement final qu'il lui apporte la solution, or, le monologue final ne satisfait en rien ses attentes. La pièce se finit mais on ne sait toujours pas ce qui devait finir. Hamm dit C'est l'instant que j'attendais mais cette phrase n'apporte pas les informations attendues. [...]
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