Maître de la poésie moderne, héritier de « l'art pour l'art » et père du poème en prose, Charles Baudelaire est une figure imposante de la poésie française.
Pour lui, l'imagination est « reine des facultés » et il prouve son attrait pour elle lorsqu'en 1848, à l'âge de vingt-sept ans, il commence à traduire les œuvres de l'auteur américain Edgar Allan Poe, écrivain tourmenté dont il n'eut aucun mal à s'identifier, voyant en lui un double de lui-même. Il fit paraître successivement Contes extraordinaires (1854), Histoires extraordinaires (1856), Nouvelles Histoires extraordinaires (1857), les Aventures d'Arthur Gordon Pym (1858), et acheva la traduction des Histoires grotesques et sérieuses en 1865.
Baudelaire était poète, mais aussi éminent critique d'art. La question de la réception le touche donc particulièrement puisqu'il a modernisé la critique par une esthétique nouvelle, celle du surnaturalisme, qui alliait le goût du bizarre à la modernité. Il a dit du Beau que celui-ci «contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et […] c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement beau», lors de l'Exposition universelle de 1855, soit un an seulement après sa première publication des Contes extraordinaires. En effet, s'il y a un auteur « bizarre » et intriguant au XIXème siècle, c'est bien Edgar Allan Poe, qui publia d'ailleurs en 1844 un conte intitulé L'Ange du bizarre. Léon Lemonnier, critique français spécialiste des relations qui unissent Edgar Poe à la France, estimait en 1928 que « Baudelaire a contribué puissamment à la gloire de Poe par sa parole et ses écrits. »
[...] Baudelaire était poète, mais aussi éminent critique d'art. La question de la réception le touche donc particulièrement puisqu'il a modernisé la critique par une esthétique nouvelle, celle du surnaturalisme, qui alliait le goût du bizarre à la modernité. Il a dit du Beau que celui- ci «contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et [ ] c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement beau», lors de l'Exposition universelle de 1855, soit un an seulement après sa première publication des Contes extraordinaires. [...]
[...] En voulant assurer le succès de leur publication, ces traducteurs tendaient à limiter l'étrangeté du texte. Ce parti pris reflète semble-t-il les exigences des éditeurs, et Baudelaire s'en plaindra dans sa correspondance: Quant à Marcellin, il veut toujours couper ou retoucher, c'est sa marotte.», écrit-il à Julien Lemer en 1865. Prenons comme exemple la traduction par Baudelaire du conte The Black Cat qui était l'une des préférées de Baudelaire. En superposant le texte anglais et le texte français, on s'aperçoit que la traduction est faite pratiquement mot à mot. [...]
[...] Baudelaire avait décidé de devenir l'introducteur de Poe en France et son seul traducteur légitime, c'est-à-dire celui qui sait ce qu'est et ce que vaut Poe. Réussir à donner sa signification à l'œuvre de Poe devait lui permettre de bénéficier pour lui-même de la gloire qu'il aurait offerte à cette œuvre, car être reconnu comme le détenteur de la véritable signification de l'œuvre d'Edgar Poe pouvait l'amener à être vu comme un prophète de la littérature à venir, qu'il comptait représenter lui-même en poésie. Le succès et l'influence de ses traductions attestent de la réussite de son projet. [...]
[...] Pourquoi Baudelaire a-t-il traduit Poe? Au-delà du rapport entre les deux écrivains, c'est plus généralement le rapport de Baudelaire à la traduction qui est ici interrogé. La traduction a-t-elle eu un rôle majeur dans le devenir poétique de Baudelaire ? Plus précisément, dans quelles mesures la traduction de l'œuvre de Poe expose-t-elle des enjeux fondamentaux pour le poète qu'est et que veut devenir Baudelaire entre 1848 et 1865? Pour tenter de répondre à cela, il faudra voir tout d'abord les motivations de Baudelaire, c'est-à-dire ce qu'il pense trouver dans Poe, ou ce qu'il veut lui prendre, ensuite le travail effectivement réalisé par celui-ci, à la fois de traducteur et d'introducteur de Poe en France, et enfin l'influence de la traduction sur l'œuvre de Baudelaire. [...]
[...] A la lecture de certaines nouvelles des Histoires Extraordinaires, on se demande si la littéralité de la traduction de Baudelaire ne sert pas l'étrangeté présente dans les textes de Poe en créant une étrangeté seconde, dérivée, c'est-à-dire en recréant ailleurs l'étrangeté que Baudelaire appréciait dans les textes originaux. Cette littéralité rend certains passages déroutants pour le lecteur et Baudelaire lui-même qualifiait la langue de sa traduction de français pénible et parfois baroque. Contrairement à ses contemporains, Baudelaire n'a pas cherché en français à faire de belles phrases claires. Léon Lemonnier a fait remarquer que plus d'un traducteur aurait été bloqué par ce type de fonctionnement. [...]
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