« Pour un écrivain ou un artiste, il est aussi absurde de se vouloir moderne que de se prétendre classique, puisque ce n'est que rétrospectivement, en tenant compte de ce qu'aura été le développement historique, qu'on pourra dire qui était authentiquement moderne à une certaine époque ». Cette citation de Michel Leiris, cité par Henri Meschonnic dans Modernité, modernité, souligne le désaccord profond, qu'ont pu ressentir Charles Baudelaire et Fernando Pessoa, entre la certitude qu'ils avaient de leur grandeur et l'incompréhension du lectorat à leur égard. Un certain consensus (notamment entre Georg Lukacs, Theodor Adorno, Walter Benjamin ou Jean Paul Sartre) s'établit pour faire de 1848 le point de départ de la modernité européenne. La publication, la même année 1857, des Fleurs du Mal et de Madame Bovary parait évidemment corroborer une telle périodisation ; mais les arguments en faveur de la Révolution Française, au tournant du siècle, ou de 1830, sont également recevables, de sorte qu'on ne saurait véritablement dater la modernité, qui consiste dans un mouvement continu et diversifié. Aussi faut-il préciser que ce qu'on désigne généralement par le défini singulier « la modernité » n'est en somme que l'une de ces modernités plurielles, sous le régime de laquelle on peut placer aujourd'hui des écrivains comme Baudelaire ou Pessoa. S'ils n'étaient pas reconnus pour leur bouleversante modernité, de leur vivant ou lors de la publication des œuvres étudiées ici (rappelons que le Spleen de Paris est une publication posthume et que Pessoa a très peu publié de son vivant), c'est pourtant selon ce critère qu'on les admire aujourd'hui et c'est selon lui qu'ils se démarquent par rapport à d'autres poètes dans l'histoire de la littérature.
A travers l'étude de leurs œuvres, on peut se demander par quels moyens, autant Baudelaire que Pessoa, exhibent leur appartenance à la modernité.
[...] Pour accéder à son idéal, Baudelaire transforme donc le crime en beauté, la souffrance en délice, le malsain et le laid en sublime. Il ouvre d'autre part une voie nouvelle à la poésie dans l'entreprise novatrice des Petits Poèmes en Prose qu'il expose dans sa courte préface à Arsène Houssay : Quel est celui d'entre nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? [...]
[...] On remarque ainsi que Fernando Pessoa et Charles Baudelaire sont les représentants d'une éclatante modernité littéraire. Il semble que le principe de modernité s'illustre par des éléments communs aux deux auteurs comme leur implication dans la réalité de leur époque -époques en corrélation avec la volonté de ces poètes : marquées par le sceau de la nouveauté qu'elle soit politique, culturelle, sociologique, esthétique C'est alors en tant qu'homme placé au milieu des foules, que le poète retranscrive ses émotions et ses impressions à travers des articles, des critiques ou, plus souvent, des poèmes. [...]
[...] S'ils n'étaient pas reconnus pour leur bouleversante modernité, de leur vivant ou lors de la publication des œuvres étudiées ici (rappelons que le Spleen de Paris est une publication posthume et que Pessoa a très peu publié de son vivant), c'est pourtant selon ce critère qu'on les admire aujourd'hui et c'est selon lui qu'ils se démarquent par rapport à d'autres poètes dans l'histoire de la littérature. À travers l'étude de leurs œuvres, on peut se demander par quels moyens, autant Baudelaire que Pessoa, exhibent leur appartenance à la modernité. [...]
[...] Parfaitement bilingue, il se réapproprie sa langue natale en introduisant des néologismes, des archaïsmes, des raccourcis qui rendent son style tout à fait unique et inimitable. Baudelaire transforme d'autre part le langage grâce à des images choquantes et décadentes qui repoussent les limites de la transgression. Notons à ce propos que transgresser veut dire quitter la route ordinaire ce qui nous conforte une fois de plus dans l'idée d'un Baudelaire chef de file de la modernité, radicalement différent des romantiques, un écrivain sans précédent dans son entreprise créatrice révolutionnaire. [...]
[...] Au milieu de leurs semblables, Pessoa et Baudelaire se dédoublent jusqu'à se dépersonnaliser pour tenter d'approcher l'universalité, leur poésie en devient impersonnelle illustrant à la perfection le célèbre Je est un autre de Rimbaud. Par des notions dont ils sont les précurseurs et les maîtres, le phénomène littéraire que représente l'hétéronymie de Pessoa et la prose poétique révolutionnaire de Baudelaire entre autres, ces auteurs prouvent leur appartenance à la modernité, car elles renversent littéralement la définition, qui paraissait trop étroite, de la poésie, enrichissant considérablement ce domaine. [...]
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