Les recherches du musée de Balzac sur l'historicité de l'édition Furne nous apprennent qu'en Octobre 1841, Honoré de Balzac signe un contrat avec les éditeurs Charles Furne, Jean-Baptiste Paulin, Jacques-Julien Dubochet et Pierre-Jules Hetzel pour l'édition de ses œuvres complètes sous le titre général de La Comédie humaine. Le traité ne mentionne aucune illustration mais les coéditeurs prennent rapidement la décision d'en ajouter. Ainsi, les seize volumes qui composent l'édition dite "Furne" (1842-1846) comprennent-ils cent seize gravures hors-textes de format similaire (9 x 13 cm environ), héros ou personnages secondaires gravés sur bois de bout. Cette technique est inventée à la fin du XVIIIème siècle. La planche est constituée de bouts de bois très durs (du buis ou du poirier) afin que la surface puisse être travaillée dans tous les sens. Le graveur utilise un burin, ce qui permet de faire des tailles fines à la manière des gravures sur métal. Balzac avait déjà envisagé l'édition de ses œuvres complètes illustrées en 1838, mais seul le volume comprenant La Peau de Chagrin avait été publié. L'édition Furne est donc la première édition illustrée de La Comédie humaine. Elle est complétée par quatre nouveaux volumes, parus sous la direction d'Alexandre Houssiaux (1848-1855).
Balzac s'est intéressé à l'illustration dès les années 1820. De 1825 à 1828, il édite des classiques et imprime des physiologies et manuels illustrés. Au début des années 1830, ses romans et contes philosophiques sont ornés de vignettes et de frontispices, dessinés pour certains par Tony Johannot. Enfin, sa collaboration à des périodiques et à des ouvrages collectifs abondamment illustrés le met en contact avec plusieurs dessinateurs : Honoré Daumier, Henry Bonaventure Monnier, Charles Joseph Traviès de Villers ou encore Bertall.
[...] Les théories de la physiognomonie de Lavater se réalisent ainsi pleinement au travers de ce personnage. Comme dit précédemment, la gravure de Madame Vauquer signe la première collaboration entre Bertall et Balzac. Cette gravure se veut donc la représentation picturale mimétique du portrait littéraire campé par l'auteur de la Comédie Humaine. Madame Vauquer ou l'inertie et la laideur Lorsque Balzac prit connaissance de la gravure de Bertall, il fut stupéfait par l'adéquation du texte littéraire avec l'interprétation qu'en fit le caricaturiste. [...]
[...] L'anatomie, et simplement celle du crâne, sont donc le siège qui révèle la personnalité de chacun. Il est à l'origine de cette science appelée phrénologie définie par le dictionnaire Larousse comme l'étude du caractère et des fonctions intellectuelles de l'homme, fondée sur la conformation du cerveau Balzac cite souvent les travaux de Gall à l'appui de ses affirmations dans le cours même de ses récits surtout dans le père Goriot. Bianchon, le grand médecin de la Comédie Humaine constate : Moi qui étudie le système de Gall, je lui trouve (Goriot) les bosses de Judas ; Je lui ai pris la tête : il n'y a qu'une bosse celle de la paternité, ce sera le Père Eternel Jean-Gaspard Lavater Il fut l'inventeur de la physiognomonie qu'il définit lui-même comme la science qui apprend à connaître l'intérieur de l'homme par l'extérieur Il voulut en effet prouver scientifiquement le fondement de ce vieil adage en inventant la physiognomonie, dont l'étymologie signifie interpréter la forme Partant du principe que Dieu a créé l'homme à son image, on peut prétendre atteindre la Connaissance en partant de la structure extérieure. [...]
[...] Sa poitrine repose flasque sur la ceinture de son tablier, soulignant le ventre proéminent. Balzac porte le coup fatale à ce montre hybride en associant cette obésité malsaine à la spéculation. Autrement dit, Madame Vauquer est un être vil qui s'engraisse sur ces pensionnaires. Sa grosseur sera un signal à double face : spéculation et malheur sordide. Du reste, dans la structure profonde des personnages féminins chez Balzac, ample- mou a pour signifié : la bêtise et la cupidité. Menant une vie sédentaire, elle ne vit que pour sa pension : Il [Monsieur Vauquer] ne lui avait laissé que [ ] cette maison pour vivre. [...]
[...] Bertall " se propose timidement à la personne chargée de l'édition de La Comédie humaine " et raconte dans ses Souvenirs intimes son premier dessin d'après Balzac, Madame Vauquer et sa première rencontre avec l'auteur : " - Eh bien essayez donc, me dit-on. J'essayai. Mon premier dessin d'après Balzac, est là devant moi. C'était la maman Vauquer du père Goriot que j'avais entrepris de représenter. Je ne disputerai pas la valeur du dessin. Mais le lendemain du jour où le bon à tirer du volume fut porté à l'auteur, il était neuf heures du matin, un monsieur vint sonner à ma porte [ . ] Du premier coup d'œil je reconnus M. [...]
[...] Sachant que ce caricaturiste privilégie le geste rapide et incisif, s'il s'attarde ici sur les traits du père Goriot, c'est pour mieux en accentuer l'expression et en faire jaillir le sens. En effet, toute l'essence du personnage se résume presque dans le visage lui seul qui porte tous les stigmates de la vie et de la souffrance de son amour passionnel. Ses cheveux filasses, dont le rendu gris-blanc s'explique de par la nature du support, tombent sans vie, encadrant un visage figé par la douleur. [...]
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