« Mosaïque » vient du grec mouseion, qui définit ce qui se rapporte aux Muses. Cet assemblage décoratif s'articule essentiellement autour de deux pôles : unité de l'ensemble et discontinuité des composants, ce qui en fait un compromis. La mosaïque vise donc une totalité inédite, encore à inventer, et n'est par là ni un puzzle, ni un patchwork. Même si dans sa forme première elle a souvent été d'autant plus appréciée que sa discontinuité fût moins apparente, aujourd'hui il semble que la mosaïque contemporaine ait plus tendance à faire étalage de celle-ci en cherchant même à l'accentuer. Or ce mouvement semble apparemment s'être répandu à travers tous les arts, et est notamment vigoureux en littérature. Ainsi J. Gracq dans Lettrines regrette que l'on « se préoccupe toujours trop dans le roman de la cohérence, des transitions ». Pour lui « la fonction de l'esprit est entre autre d'enfanter à l'infini des passages plausibles d'une forme à une autre. C'est un liant inépuisable », qui « fabrique du cohérent à perte de vue. C'est d'ailleurs la foi dans cette vertu de l'esprit qui fonde chez Reverdy la fameuse formule : « Plus les termes mis en contact sont éloignés dans la réalité, plus l'image est belle ». »
Il cherche à expliciter sa vision de l'œuvre d'art en tant que recherche constante du « discontinu », ce qui demande une définition précise de celui-ci. Quelles sont d'ailleurs les difficultés, presque ontologiques, engendrées par cette conception de la littérature pour la création et la réception des oeuvres, et comment rendre compte alors de la réelle ambition pour la littérature que Gracq révèle à travers ces lignes ?
En premier lieu il faut définir très exactement ce concept de « discontinu » littéraire en explicitant la composition de son extension. Puis cela nécessite ensuite la prise en compte des difficultés que pose cette acception littéraire pour notre compréhension de l'acte littéraire en tant que création et réception, ce qui nous amène à considérer la vision de Gracq pour la littérature comme étant justement une poétique subjective s'inscrivant essentiellement dans cet acte littéraire bicéphale.
[...] Julien Gracq, Lettrines et En lisant en écrivant. Malherbe, Consolation à Du Périer. [...]
[...] Néanmoins il faut dès lors prendre conscience des difficultés engendrées par une telle conception de la littérature, pour lesquelles il est nécessaire de bien définir le fondement de cette discontinuité et son intérêt. Quelles peuvent être les difficultés qui découlent de cette quête de discontinuité en littérature ? Car bien sûr cela influe grandement sur l'acte d'écriture comme sur celui de lecture. Création et réception sont donc en danger si les risques ne sont pas bien pointés dans cette acception littéraire. [...]
[...] Par exemple Les contemplations de Hugo sont divisées en deux parties : Autrefois, et Aujourd'hui. Ces deux sections sont en fait articulées autour de la date fatidique du décès de Léopoldine, date qui par là même crée une discontinuité évidente dans la vie de Hugo et donc dans la transcription littéraire qu'il en fait. D'où chez le lecteur l'émergence d'un lien rétablissant une continuité dans cette rupture, et l'éloignement antonymique entre les deux parties de l'œuvre crée le choc artistique et émotionnel que Hugo voulait provoquer chez son lecteur. [...]
[...] Donc pour que la vertu de l'esprit puisse réellement s'exprimer il faut que le sens soit une création originale et non l'aboutissement d'un chemin déjà tracé et parcouru par tous les lecteurs. Ceci explique néanmoins pourquoi Gracq reconnaissait le petit cercle de ses vrais lecteurs : peut-être la sensibilité de chacun ne peut-elle s'adapter qu'à certaines œuvres Donc ici le discontinu est donc bien plus fondamental et profond qu'une simple ellipse : il est l'essence du sens dans l'art littéraire. [...]
[...] En premier lieu il faut définir très exactement ce concept de discontinu littéraire en explicitant la composition de son extension. Puis cela nécessite ensuite la prise en compte des difficultés que pose cette acception littéraire pour notre compréhension de l'acte littéraire en tant que création et réception, ce qui nous amène à considérer la vision de Gracq pour la littérature comme étant justement une poétique subjective s'inscrivant essentiellement dans cet acte littéraire bicéphale. L'esprit fabrique du cohérent à perte de vue déclare Gracq, ce qui nous amène à nous interroger sur le sens et la place de ce discontinu dans les œuvres littéraire, et sur les différentes échelles auxquelles il s'exprime. [...]
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