Profusion éditoriale d'une littérature du moi et du dénudement confessionnel, célèbre colloque de Cerisy consacré à l'autofiction , expansion des blogs et autres cybers journaux intimes, médias prônant l'aveu publique, essor et influence de la psychanalyse... il traîne dans l'air l'idée que le sujet tendrait à son apogée. Ces quarante dernières années, le champ littéraire a en effet connu une évolution en forme d'éclatement, et les idéologies ont laissé la place à une multitude d'écritures individuelles. "Résumons, écrit Pierre Lepape : plus d'écoles, plus de maîtres, plus d'idéologies critiques, plus de théories, plus de repères stables ni de critères collectifs partagées. La littérature, comme la société, paraît entrer dans l'ère de l'hyper-individualisme et de l'atomisation infinie des consciences." (...)
[...] Dans la production contemporaine, l'autofiction à pris une place considérable, flirtant, selon une certaine critique, avec l'exhibitionnisme textuel et le tout à l'égo De Fils[8] de Serge Doubrovsky, au Cri du sablier de Chloé Delaume dans lequel l'auteur revient sur le meurtre de sa mère par son père et le suicide de ce dernier, en passant par Vu du ciel de Christine Angot (texte matriciel dans l'œuvre de l'incestueuse où une petite fille morte après un viol devient l'ange gardien de l'écrivain) et Dans ces bras-là de Camille Laurens, l'autofiction à montré qu'elle était avant tout un acte d'impudeur, un travail sur le Je, mais aussi le tabou, [engendrant ainsi] l'ambivalence des intentions de lectures. De fait, si l'exposition de soi appelle le voyeurisme et la pulsion scopique[9] comme l'écrit Delaume, elle est la cible d'attaques répétées : Exhibition. Narcissisme. Nombrilisme. Individualisme. Egocentrisme. Prétention. Repli sur soi. [...]
[...] Pris à bras le corps par l'auteur, traité sans ménagement, livré à la littérature et au lecteur, il serait une réaction au monde extérieur, une manière de le protéger de ce réel [qui le] déchiquète[13] Pourtant, rattacher le moi à une collectivité, sans pour autant le dissoudre et lui faire perdre sa singularité, apparait comme une alternative à ses attaques. Colloque Autofiction qui s'est déroulé au Centre Culturel International de Cerisy-La-Salle du 21 au 31 juillet 2008, sous la direction de Claude Burgelin et Isabelle Grell. Pierre Lepape, Le nouveau désordre littéraire Le Magazine littéraire, 459 40 ans de littérature décembre 2006. Antoine Compagnon, Retour du sujet La Littérature française : dynamique et histoire II, sous la direction de Jean-Yves Tadié, Paris, Gallimard, coll. Folio essais p. 793-796. [...]
[...] Autofiction : syndrome néolibéralisme, sœur aînée processus télé-réalité[10]. Christine Angot, elle, dans L'Usage de la vie en vient à la même conclusion, tentant elle aussi de réhabiliter le Je en l'inscrivant dans la logique du don au lecteur : On se plaint que dans la littérature française il n'y ait plus de peinture de société. [ ] Trop de textes narcissiques, nombriliques. est le pronom de l'intimité, il n'a sa place que dans les lettres d'amour. Quand on dit dans un texte public, c'est de l'amour pour vous, est-ce que vous le comprenez[11] ? [...]
[...] Philippe Gasparini, Politique de l'autofiction entretien avec Chloé Delaume, La Règle du Je, op. cit., p. 77-82. Ibid., p Ibid., p Serge Doubrovky, Fils, Galilée quatrième de couverture : Autobiographie ? Non, c'est un privilège réservé aux importants de ce monde, au soir de leur vie, et dans un beau style. Fiction d'événements et de fait strictement réel ; si l'on veut, autofiction, d'avoir confié le langage d'une aventure à l'aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau. [...]
[...] L'expérience personnelle ne peut plus être communiquée que sous une forme fragmentaire, polyphonique, hypothétique, une forme singulière, sans cesse contestée de l'intérieur. Gasparini ajoute d'ailleurs que, faisant de nécessité vertu littéraire, l'écrivain contemporain va donc associer auto et fiction pour configurer, selon l'expression de Paul Ricœur, une “identité narrative”[6]. Evoquant, dans une certaine mesure, ce que Barthes avait nommé le fictif de l'identité ce travail sur l'identité énonciatrice à littéralement fait voler en éclat le pacte autobiographique tel que Philippe Lejeune l'avait théorisé. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture