Dissertation de Littérature (niveau Première) sur l'autobiographie et son lecteur. Quelles peuvent être les réactions d'un lecteur d'une autobiographie ? Sur quoi repose la relation du lecteur, de l'autobiographie, et de l'histoire en elle-même ?
[...] Le genre autobiographique est par définition l'écriture de soi et selon Philippe Lejeune, un récit rétrospectif [qui] met l'accent sur l'histoire de sa personnalité De fait, cette écriture nécessite un exposé de sa vie de la part de l'auteur au lecteur, s'interrogeant alors sur la nécessité des publications de sa vie privée : la question de la sincérité est au cœur de l'écriture. Ainsi Georges Bernanos dans son journal Les Enfant humiliés (1949) prête au lecteur une possible réaction de rejet face à cette conversation avec l'enfant que je fus une confrontation dans la vie privée de l'auteur qui ne vous regarde pas un refus assimilé à un droit L'adresse de cette écriture autobiographique est donc multiple : de l'auteur au lecteur, et de l'auteur à lui-même. Mais alors en quoi l'écriture autobiographique résulte-t-elle de confrontations ? [...]
[...] Ainsi Amélie Nothomb utilise- t-elle le roman autobiographique de Métaphysique des tubes (2000) pour narrer son enfance, identifiée à un tube ; ainsi Marguerite Duras parle d'elle à la troisième personne et base son roman L'Amant (1984) sur sa propre histoire. Conséquemment, quel que soit le moyen utilisé, le lecteur retrouve le partage, le jugement, et le reflet de lui-même en pointillés de son interprétation ; une réaction que Victor Hugo traduira simplement en Préface de ses Contemplations (1856) : Ah ! [...]
[...] De plus, outre la gêne, l'exaspération, et donc cette confrontation provoquée par l'auteur à son lecteur, un dernier sentiment ambigu peut naître à la lcture d'une autobiographie : le voyeurisme. Ainsi cette exposition ostensible voire ostentatoire peut pousser à une nausée du dévoilement Par exemple, Anne Frank, dans son Journal (1942-1944), originellement non-destiné à la publication, confessera la découverte de son corps de jeune femme dans le moindre détail : comment le lecteur peut- il s'impliquer dans la vie de l'auteur sans ressentir un sentiment de voyeurisme, si ce n'est d'indifférence ? [...]
[...] Insensé qui crois que je ne suis pas toi. Sous prétexte que l'auteur autobiographe entame un projet de reconstruction, de conversation avec l'enfant [qu'il fut] comme le dit Georges Bernanos, avec lui-même, le lecteur peut se sentir ostracisé, si bien qu'il rentre en conflit avec l'écrivain. C'est le cas quand un lecteur n'arrive pas à déceler la part de sincérité ou de fragilité de l'auteur. Mais dans la mesure où l'autobiographe donne au lecteur des éléments épars pour reconstituer cette conversation, pour reconfigurer le souvenir, il devient une clé capitale dans ce souvenir : lui-seul peut le reconstruire pas forcément selon la vérité de l'auteur, mais sa propre sensibilité. [...]
[...] L'auteur est donc confronté à l'autocensure : il en appelle au lecteur. Mais pourquoi le lecteur aurait-il besoin de lire la vie d'un autre pour se retrouver lui-même ? C'est qu'il en est humainement incapable. Le partage ou la reconstitution du souvenir insinue sa propre rétrospection : l'identification s'accompagne de distanciation. Ainsi les découvertes de l'enfance, les images, ces bribes dont la nostalgie nous semble inconnue, peuvent se retrouver dans les récits d'enfance de La Gloire de mon Père (1957) de Marcel Pagnol, dans les dialogues de souvenirs d'Enfance (1983) de Nathalie Sarraute, dans toutes ces phrases, ces images, ces odeurs, retransmis par l'écriture d'un autre, mais qui nous interpelle directement nous. [...]
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