Exemple d'analyse des « pactes autobiographiques » dans Dora Bruder de Patrick Modiano et W ou le souvenir d'enfance de Georges Perec.
L'autobiographie est un « genre littéraire » complexe à cerner. On essaie de le définir tout d'abord par des critères formels : pour qu'il y ait autobiographie, il faut qu'il y ait « pacte autobiographique ». C'est le critique Philippe Lejeune qui a souligné l'importance de ce « pacte ». Que veut dire cette notion de « pacte » ? Elle suppose, de façon pragmatique, que le fait de lire est assimilable à un « contrat ». Dans toute lecture, il y a un « contrat ». Si je lis un roman policier sans enquête et sans crime, suis-je encore dans un « roman policier » ? A partir de quel moment puis-je considérer que je suis effectivement en présence d'un »roman policier » ? J'ai besoin, en tant que lecteur, qu'un cadre formel identifiable et repérable me permette en effet de préciser ce que j'attends, exactement.
[...] Il y a sept ans, un soir, à Venise, je me souvins tout à coup que cette histoire s'appelait W et qu'elle était, d'une certaine façon, sinon l'histoire, du moins une histoire de mon enfance. (p.17-18) Moment capital où le titre, après avoir été dénié, est éclairé. Et d'énigme initiale -que désigne W le titre devient lui-même souvenir, le titre est lui-même inscrit dans l'ordre de l'écriture du souvenir, et l'on peut dire que, dès ce deuxième chapitre, le titre devient en fait le titre d'une authentique autobiographie : une autobiographie qui est aussi une quête personnelle des origines de l'écriture. Autobiographie de soi et autobiographie de soi en écrivant. [...]
[...] C'est le cas de Rousseau dans Les Confessions. Philippe Lejeune ajoute : Ce qui définit l'autobiographie pour celui qui la lit, c'est avant tout un contrat d'identité qui est scellé par le nom propre. Et cela est vrai aussi pour celui qui écrit le texte. Si j'écris l'histoire de ma vie sans y dire mon nom, comment mon lecteur saura-t-il que c'était moi ? Il est impossible que la vocation autobiographique et la passion de l'anonymat coexistent dans le même titre. [...]
[...] Une recherche qui l'amène à faire revivre, à partir de lui pas seulement à partir des archives de l'œuvre - Dora Bruder elle-même. Nous verrons comment. Et le texte est ainsi rythmé par les Je me souviens de Patricke Modiano, qui vienne donner une mémoire à cet être que l'on a voulu faire disparaître parce qu'elle était juive B.3. L'état civil et les dates. Distinguons deux états civils. D'une part l'état civil de Dora Bruder, qui est effectivement celui que donne Modiano. [...]
[...] A travers ce personnage, il va se découvrir et va au fond faire une auto-biographie voire une auto-bio- graphie : écriture de la vie de celle qu'il cherche à atteindre, et écriture sur sa propre écriture Une sorte de vertige en somme. Mais, surtout, il faut essayer d'approcher la différence qui existe entre Perec et Modiano. Ce qui fait de ces deux projets des projets bien distincts. Perec est à la recherche d'un souvenir d'enfance : que la mémoire soit là, présente, en somme, là où existait peut-être le blanc Perec ne veut nullement aller du côté de l'autobiographie mêlée d'archives, qui attesteraient on ne sait quoi Qui donnerait l'allure d'une démonstration. Son propos est intime. [...]
[...] J'ignorais que Desnos avait écrit La Place de l'Etoile. Je lui avais volé, bien involontairement, son titre. Le passage est long, mais il mérite d'être cité en entier, pour confirmer en effet que c'est bien de l'auteur de l'œuvre dont il est question. Mais un deuxième passage est tout aussi important dans notre recherche. Celui où il est fait mention de l'œuvre en cours. Ainsi, à la page 53 : En décembre 198, après avoir lu l'avis de recherche de Dora Bruder, dans le Paris-Soir de décembre 1941, je n'ai cessé d'y penser durant des mois et des mois. [...]
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