L'autobiographie doit-elle dire toute la vérité sur son auteur ?

Résumé du document

Jean-Jacques Rousseau, présentant son projet autobiographique dans le "Préambule du manuscrit de Neuchâtel" de ses Confessions, affirme haut et fort vouloir être vrai : "Je dirai tout; le bien, le mal, tout enfin". Toutefois, on peut se demander si l'intérêt principal d'une autobiographie est de dire toute la vérité sur son auteur. Une autobiographie n'a-t-elle d'intérêt que dans la mesure où elle révèle la vérité sur son auteur ou peut-elle avoir d'autres fonctions ?

Extraits

[...] L'évocation des souvenirs est fantastique lorsqu'il décrit son père, véritable spectre qui hantait Combourg, pathétique lorsqu'il fait le portrait de sa sœur Lucile, morte très jeune, héroï- comique, quand il raconte comment les bonnes de tous les enfants de Saint- Malo l'ont poursuivi pour le punir d'une faute qu'il n'avait pas commise. Une autobiographie est donc intéressante parce qu'elle est une œuvre littéraire. [Conclusion partielle] L'autobiographie a donc des intérêts multiples. [Conclusion] Ainsi, si l'intérêt principal d'une autobiographie est de dire la vérité sur son auteur, cette vérité peut se révéler fuyante, nécessiter une lecture attentive aussi bien qu'une écriture rigoureuse. [...]

[...] La vérité semble donc être autant du côté de la lecture que du côté de l'écriture. [Conclusion partielle et transition] Ainsi, si un des intérêts de l'autobiographie est de découvrir la vérité sur son auteur, cette quête ne relève pas seulement de l'écriture mais aussi de la lecture. Mais cela n'empêche pas l'autobiographie de présenter d'autres intérêts. [III- L'écriture autobiographique peut présenter d'autres intérêts] [A. L'autobiographie comme document] Tout d'abord, une autobiographie peut faire découvrir une époque, un milieu, un pays que l'on ne connaît pas. [...]

[...] Cela ne veut pas dire que l'autobiographie ne la donne pas à lire [A. Une vérité difficile à atteindre] En effet, plusieurs obstacles peuvent s'élever entre l'autobiographe et la vérité. Tout d'abord, son orgueil peut s'immiscer entre lui et la réalité. Comment résister à la tentation d'offrir un portrait élogieux de soi aux lecteurs? Rousseau semble être prompt à surmonter cet obstacle lorsqu'il affirme: Peu d'hommes ont fait pis que je n'ai fait» Préambule du manuscrit de Neuchâtel Les Confessions). [...]

[...] Enfin, l'autobiographe en quête de vérité peut se heurter à une troisième difficulté: le langage est parfois impropre à ce récit véridique. L'auteur est obligé d'organiser son propos, de hiérarchiser les épisodes. Ainsi, une logique apparaît et vient se substituer au désordre de l'existence. Ainsi, l'orgueil, les failles de la mémoire et les défauts du langage semblent rendre la vérité inaccessible. [B. La vérité est ailleurs] En réalité, c'est au lecteur de la trouver au fil de sa lecture. Ainsi, si un épisode ne révèle pas la vérité des faits, il peut révéler les sentiments sincères de l'auteur. [...]

[...] C'est le cas s'il lit Au nom de tous les miens de Martin Gray, dans laquelle il découvre le parcours de l'auteur du ghetto de Varsovie à la campagne française en passant par l'enfer des camps de concentration et les rues de New York. Lire l'autobiographie de l'auteur peut aussi éclairer le lecteur sur ses autres œuvres littéraires. Ainsi, lire les Mémoires d'outre-tombe aide le lecteur à mieux comprendre les romans de F. R. de Chateaubriand: le personnage de René par exemple prend tout son sens dans la ressemblance qu'il entretient avec l'auteur. [...]