art, efficience, littérature, art engagé, concept de vie, poésie, existence, action politique
Sujet de Lettres Modernes, première année de licence.
À la quête rimbaldienne qui vise à « changer la vie », Michel Houellebecq répond : « L'art ne peut pas [la] changer ». S'opposant aux mots du poète maudit dans « La Vierge folle », Houellebecq souligne l'impossibilité d'une action pratique de l'art sur l'existence. Contrairement aux autres techniques dont le but est de transformer la nature, l'objet de l'art ne serait pas le changement.
[...] L'art semble être une échappatoire, qui permet de se divertir de la vie, pas de la modifier. En effet, le roman permet de suivre l'existence d'un autre, d'un « être de papier » selon l'expression de Paul Valéry, et de s'oublier en lui. Nous appartenons alors à un espace-temps différent, la Franche-Comté de l'an 1830, vécue dans la peau de Julien Sorel, ou l'Amérique du XVIIIe siècle, racontée par Des Grieux. La focalisation interne et le récit à la première personne sont des procédés d'écriture qui accroissent les effets de l'identification au personnage fictif et qui, le temps de la lecture, distancent le lecteur de sa réalité. [...]
[...] Un artiste ne peut pas changer le monde mais l'art comme pratique a un effet durable sur les opinions. Certes, Olympe de Gouges n'a pas révolutionné la condition féminine à son époque mais elle a inspiré bien d'autres femmes et bien d'autres féministes. Elle a été une pionnière qui a tracé le chemin vers un monde plus équitable en demandant des droits politiques pour les femmes, une réinvention du contrat de mariage, mais aussi une reconnaissance des enfants nés hors mariage et l'abolition de l'esclavage. [...]
[...] L'art apparaît ainsi comme connaissance mais aussi comme conscientisation. Les poètes aussi nous permettent de voir la vie différemment. Francis Ponge, dans Le parti pris des choses, décrit le banal et lui donne vie. Du pain, de la boue, des papillons . deviennent « objeux » dignes d'intérêt. Alors qu'il s'agissait d'objets à peine remarqués, ils apparaissent complexes, en détails, et le lecteur prend conscience de son environnement. Il s'en étonne, comme s'il le voyait pour la première fois. Donner au lecteur un rôle interprétatif face à l'œuvre d'art est aussi signifiant dans sa vie réelle. [...]
[...] Sans réduire l'art à sa pure dimension esthétique comme les Parnassiens, on peut reconnaître qu'il s'agit sans doute de sa dimension la plus importante, à la fois nécessaire et suffisante, puisqu'elle lui permet de se distinguer parmi toutes les autres formes. L'art, pour exister, ne doit donc pas « changer la vie ». Un moyen de naviguer l'existence L'art est finalement au principe de la vie car c'est un moyen de naviguer l'existence : il nous sauve de l'imperfection de notre quotidien et nous donne une raison d'être. Premièrement, l'artiste ne serait rien sans son art. Albert Camus déclarait lors de son Discours de réception du Prix Nobel à Stockholm « Je ne puis vivre personnellement sans mon art. [...]
[...] N'a-t-il aucune efficience ? Au premier abord, le champ d'action de l'art est très limité : il demeure dans l'espace circonscrit de la virtualité, sans influencer les événements de la vie réelle. Art engagé ou non, il semble peu modifier la réalité de nos existences ou leurs conditions. Or, le fait que l'art soit à l'origine de notre éducation esthétique et change notre interprétation du monde, a des conséquences sur le concept de vie. La vie ne se trouve pas changée par l'art ; c'est l'art qui permet la vie. [...]
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