Si, le plus souvent, nous nous identifions au personnage principal du roman que nous sommes en train de lire, si nous vivons en lui, prenons fait et cause pour lui, souffrons avec lui, c'est parce que ce personnage nous apporte une image valorisante, parce qu'il est un héros.
Il est pourtant légitime de s'interroger sur ce lien trop évident : attendons- nous du personnage principal d'un roman qu'il soit un héros?
Nous verrons alors comment l'union ou la désunion du couple personnage principal/héros répond en fait à des besoins différents et divergents.
Quelle autre place accorder au héros que celle du personnage principal ? C'est là que son héroïsme - qualité inhérente au héros- sera le mieux mis en valeur. Ainsi les romans médiévaux, et par exemple les romans de Chrétien de Troyes, placent systématiquement le héros - Perceval, Gauvain, ou tant d'autres - dans une position centrale. Parce qu'il est héroïque, et accomplit des actes de bravoure, le personnage sera simultanément personnage principal et héros. Le même système régit les romans historiques, comme Les Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas. C'est la formule de base de tout roman qui nécessite un personnage héroïque, et par conséquent aussi bien du roman historique que du roman d'aventures, ou même du roman de gare. Quelle histoire à l'eau de rose ne contient pas de héros fortement mis en valeur ?
[...] La fusion du personnage principal et du héros répond d'abord à un besoin de certitude. Elle met en scène un personnage maître de son destin - c'est, dans une certaine mesure, le cas de Julien Sorel et présente donc l'image d'un monde ordonné, dans lequel l'homme peut tracer son chemin. Au besoin, le cadre sera transformé, passant de la banalité quotidienne au monde merveilleux de l'aventure et de l'exotisme. Le besoin de l'existence d'un héros répond donc à une double exigence: rassurer, tant sur l'organisation du monde que sur les possibilités de l'individu ; rester, pour le XXe siècle, dans le domaine du lieu commun, c'est-à-dire ne remettre en cause aucune idée établie, idéologique ou esthétique. [...]
[...] Attendez-vous du personnage principal d'un roman qu'il soit un héros ? Plan I. Le personnage principal est un héros Héros et héroïsme Héros et qualités héroïques Le type romantique II. La désagrégation du héros Le héros parodié Réalisme et héroïsme Le personnage en question III. Des quêtes divergentes Le besoin du héros Le besoin du personnage Les besoins du roman Dissertation Si, le plus souvent, nous nous identifions au personnage principal du roman que nous sommes en train de lire, si nous vivons en lui, prenons fait et cause pour lui, souffrons avec lui, c'est parce que ce personnage nous apporte une image valorisante, parce qu'il est un héros. [...]
[...] Ce modèle romanesque, centré sur un personnage idéalisé, et sur ses aventures, est le principe même du roman depuis le XIXe siècle. Mais ce principe a connu bien des critiques, et bien des déboires. Dès le XIXe siècle, ce type de héros - plus romanesque que romantique au sens propre - sera parodié. Ainsi Fabrice Del Dongo, dans La Chartreuse de Parme de Stendhal, ne fait-il pas preuve d'une grande bravoure, lorsqu'il manque s'évanouir pendant son évasion ? C'est alors toute la série des qualités du héros qui est remise en cause, jusqu'au dénuement le plus total du personnage principal : Frédéric Moreau, dans L'Éducation sentimentale de Gustave Flaubert, n'est ni spécialement beau, ni particulièrement intelligent ; plus que tout, il manque absolument de volonté. [...]
[...] Plus que tout, ce que le personnage va perdre dans cette critique de la notion de héros, c'est sa capacité à dominer l'événement. Comme Emma Bovary, il sera ballotté dans un monde qu'il ne maîtrise pas. La critique sera poussée plus loin encore au XXe siècle, avec la remise en question du statut du personnage lui-même. Il sera d'abord un anti-héros. Au lieu de réunir toutes les qualités, il ne sera que faiblesse et médiocrité, ou haine et rancœur. C'est par exemple le cas de Bardamu, dans le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. [...]
[...] Le personnage principal ne sera donc le héros que des romans d'un autre temps. Temps où la question du héros ne se posait pas dans les mêmes termes, temps où la question du personnage ne se posait pas du tout. C'est avant même de lire le roman que l'on sait aujourd'hui si le personnage sera ou non héroïque; le choix du roman, son achat en librairie, sera conditionné par les attentes du lecteur. À un besoin de rêve mais aussi de certitude répondront les romans de plage ou de gare; à un besoin de réflexion, les romans modernes de la remise en question de l'héroïsme. [...]
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