En attendant Godot P. 22-24, Samuel Becket 1948, monologue, Estragon, Vladimir, Godot, numéro de duettistes, structure répétitive, leitmotiv, questionnement existentiel, truisme ironique, pléonasme
Notre extrait se situe au début de l'acte premier, de la première journée d'attente du mystérieux Godot qui ne viendra pas, première journée d'attente pour le lecteur/spectateur, car on sait déjà que pour Vladimir et Estragon elle a probablement été précédée par beaucoup d'autres, à commencer par, peut-être, la veille. Un premier échange dans lequel le nom de Godot est apparu, son attente justifiant la présence sur scène des personnages, a déjà eu lieu : il s'agissait de déterminer l'exactitude du lieu et du jour du rendez-vous, questions restées, comme toutes celles qui seront posées dans cette pièce, sans véritables réponses satisfaisantes, ou du moins rassurantes.
[...] Vladimir rebondit sur l'idée de prudence et renvoie toute décision au conseil d'une tierce personne : Godot. Comme chaque fois qu'il remet le sujet sur le tapis, Vladimir utilise la 3e personne (« il ») en négligeant toute référence préalable, prouvant ainsi que malgré le caractère discontinu de ses incidences dans la conversation, cette attente lui tient à cœur, et l'espoir qui lui est lié ne quitte jamais son esprit. Il n'en est pas de même pour Estragon, qui manifestement, du moins dans le premier acte, ne participe à cette attente que par solidarité avec son compagnon – et faute aussi de n'avoir rien d'autre à faire- ; le motif de l'attente, comme le sait déjà le lecteur, de par le titre de la pièce et la séquence précédente, est inextricablement lié à l'évocation de Godot, mais Estragon, invariablement, d'un lapidaire « qui ? », demande que cette réalité lui soit précisée encore et toujours. [...]
[...] On montrera donc comment ce passage, caractérisé structurellement par un monologue à deux voix encadrées par deux dialogues menés à tour de rôle par chacun des personnages, répond à un double objectif : esquisser de manière ludique pour le lecteur/spectateur la figure in absentia de Godot, mais aussi caractériser le lien qui unit Vladimir et Estragon dans un jeu complexe entre la dualité et l'unicité. I. Répliques 1 à 13 : Vladimir mène le jeu Comme on l'a déjà remarqué, la première réplique de Vladimir renvoie à la situation : Estragon, qui a proposé à son ami de se pendre - proposition acceptée- fidèle à son caractère plus pragmatique, fait également remarquer que la branche semble trop fragile pour assurer une mort certaine à tous deux. [...]
[...] En attendant Godot, p. 22-24 – Samuel Becket (1948) – Un monologue à deux objectifs Notre extrait se situe au début de l'acte premier, de la première journée d'attente du mystérieux Godot qui ne viendra pas, première journée d'attente pour le lecteur/spectateur, car on sait déjà que pour Vladimir et Estragon elle a probablement été précédée par beaucoup d'autres, à commencer par, peut-être, la veille. Un premier échange dans lequel le nom de Godot est apparu, son attente justifiant la présence sur scène des personnages, a déjà eu lieu : il s'agissait de déterminer l'exactitude du lieu et du jour du rendez-vous, questions restées, comme toutes celles qui seront posées dans cette pièce, sans véritables réponses satisfaisantes, ou du moins rassurantes. [...]
[...] D'autre part, cet extrait suggère également que sous un langage et une situation prosaïques peut se cacher une lecture symbolique du couple formé par les personnages, signes de la dualité entre l'âme et le corps. D'où peut-être l'hésitation de Pozzo à les reconnaître dans leur incomplétude comme « êtres humains » « d'origine divine », comme lui. Même si Beckett a toujours refusé de nous éclairer sur le « sens à donner à tout ça », ce passage, avec ses alternances de dialogues et de « monologue » qui campent des attitudes contradictoires sur la forme, mais peut-être des inquiétudes concomitantes sur le fond, ses allusions religieuses, son ironie constante qui éclaire la dérision de la condition humaine et les aspirations, encore plus dérisoires peut-être, des hommes à vouloir en sortir, ne peut manquer d'orienter la réflexion dans un sens métaphysique, qui semble d'ailleurs aller vers une remise en cause de toute possibilité de transcendance. [...]
[...] Cette litanie comique diffère sur 10 répliques la possibilité même de « se prononcer ». Le choix même de ce verbe, qui implique une prise de position claire sur un problème précis, est décalé, et ne correspond pas à ce qui lui a été demandé : « une sorte de prière », « une vague supplique » : par rapport à la situation, le jugement ex cathedra sous-entendu par l'emploi de ce terme est grotesque ou, tout au moins absurde. Les quatre répliques qui achèvent ce numéro soulignent la concorde entre Vladimir et Estragon, leur communion de pensée qui parachève la communion de parole dont ils viennent de donner l'éclatante démonstration : l'un sous les deux espèces. [...]
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