En écrivant dans on journal en 1927 « les artistes les plus originaux ne sont pas forcément les plus incultes », André Gide a touché à une question importante, qui porte tant sur de nombreux domaines tels que la musique, le cinéma ou la peinture que sur celui de la littérature. En effet, il paraît souvent naturel de penser que le « talent », une sorte de don inné pour faire quelque chose, peindre par exemple, suffirait à conférer une originalité à un artiste, à lui permettre de peindre quelque chose de vraiment nouveau. On pourrait également s'imaginer qu'un homme pourrait avoir ainsi reçu le don d'écrire, et se montrerait sans aucune « formation » littéraire capable de rédiger une œuvre novatrice. Ainsi, aucune culture dans le domaine qu'il voudrait aborder ne serait nécessaire à l'artiste.
Mais cette opinion commune se doit d'être attentivement examinée. En effet, pour créer quelque chose d'original, ne faudrait-il pas au moins connaître ce qui a été fait précédemment, de façon à savoir comment s'en démarquer ? Et les artistes originaux ne pourrait-ils pas être cultivés, connaître des règles préétablies, et s'en servir pour créer de la nouveauté ? Les artistes novateurs ne sont-ils pas bien souvent ceux qui possèdent une culture, qu'elle soit générale ou qu'elle concerne plus particulièrement leur domaine ?
[...] Mais cette opinion commune se doit d'être attentivement examinée. En effet, pour créer quelque chose d'original, ne faudrait-il pas au moins connaître ce qui a été fait précédemment, de façon à savoir comment s'en démarquer ? Et les artistes originaux ne pourrait-ils pas être cultivés, connaître des règles préétablies, et s'en servir pour créer de la nouveauté ? Les artistes novateurs ne sont-ils pas bien souvent ceux qui possèdent une culture, qu'elle soit générale ou qu'elle concerne plus particulièrement leur domaine ? [...]
[...] Ainsi, il semble bien que les artistes les plus originaux ne soient pas forcément les plus incultes et qu'au contraire la culture et la connaissance soient un soutien presque indispensable pour l'artiste s'il veut créer quelque chose de nouveau. Mais il reste à dire que si ces derniers aspects se montre réellement nécessaires pour une création inédite, il semble bien qu'il faille avant tout, pour être original, posséder cette chose innée qu'est le talent et qui seule permettra de tirer profit de ce que l'on sait et de le sublimer pour atteindre l'originalité. [...]
[...] Mais les artistes auteurs de pièces de théâtre ne sont pas les seuls à avoir montré de l'originalité tout en connaissant et conventions et en s'en éloignant de façon volontaire, puisque les poètes humanistes de la Pléiade, comme Ronsard, connaissaient les règles de ce que les autres poètes écrivaient à leur époque, et ont ainsi eu le loisir de faire différemment en s'appropriant, grâce à leur culture, des éléments artistiques, ou encore la forme du sonnet, créée par l'Italien Pétrarque. On voit ainsi qu'on peut également innover en s'appuyant sur des éléments culturels du passé et en rejetant des conventions contemporaines, et cette adoption de formes que la culture avait fait connaître nous montre que les artistes originaux ne sont très souvent pas incultes du tout, bien au contraire. [...]
[...] Ainsi, au-delà des artistes qui pourraient être originaux en étant cultivés et en rejetant tout ce qu'ils savaient, il existerait des artistes qui, plus originaux encore, s'appuieraient sur leur connaissance de la culture et des règles propres à leur domaine, qu'elles concernent le fond ou la forme de leurs réalisations, pour créer des choses nouvelles, et nous voyons ainsi que les artistes les plus originaux ne sont très souvent pas les plus incultes. On a donc pu voir dans un premier temps que les artistes incultes par leur absence de contraintes culturelles dans ce qu'ils faisaient ou par l'exploitation de ce qu'ils avaient en eux-mêmes, de leurs sentiments, pouvaient être capables de faire preuve d'originalité dans leurs créations. [...]
[...] I Il est facile de penser que les artistes sans culture particulière dans le domaine qui leur est propre doivent être plus en mesure que les autres de faire preuve d'originalité dans leur création, et cela simplement par la liberté que cette absence de connaissances leur procure. En effet, n'ayant pas intégré un certain nombre de règles préexistantes dans l'art qu'ils veulent pratiquer (que ce soit celles de la peinture dite classique ou celles de l'impressionnisme ou du cubisme pour un peintre, ou celles du théâtre, unité de temps, de lieu et d'action pour un dramaturge par exemple), ils ne sont, par conséquent, pas emprisonnés dans des sortes de carcans tels que ces mêmes règles en imposent aux artistes cultivés. [...]
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