L'Art poétique de Verlaine représente en 1884, date de sa publication, un manifeste symboliste, au même titre que L'Art de Gautier énonçait en 1857 la profession de foi parnassienne. Nous verrons quelle est la poésie rejetée par Verlaine, celle qu'il préconise, et nous nous demanderons enfin si on peut considérer ce texte comme un véritable art poétique.
[...] Ce poème nous offre plusieurs exemples de cette méprise. Au vers 15, Verlaine substitue au verbe unir le verbe fiance qui s'emploie généralement dans un contexte spécifique : Oh! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor! Cet à peu près, cette impropriété, rend plus concrète l'idée exprimée et tire également partie de l'aura poétique du mot fiance Au vers 34, Verlaine évoque la bonne aventure : Éparse au vent crispé du matin, L'épithète crispé est ici impropre : ce n'est pas le vent qui est crispé, mais le poète qui est transi par la fraîcheur du vent matinal. [...]
[...] (vers 22-24) et son caractère facile et artificiel : Qui sonne creux et faux sous la lime. (vers 28) Il s'élève, en fait, contre une certaine conception de la poésie qui n'attribue de l'importance qu'à la forme sans jamais la rattacher à une émotion, à une sensation. Cette critique apparaît nettement dans la rime Rime lime (vers 25-28) qui réunit Gautier et Banville dans la même école des poètes ciseleurs artisans du vers parfait. Si le savoir- faire est une condition nécessaire de la poésie - Verlaine saura toujours tirer les effets les plus subtils de la versification. [...]
[...] Cette alliance du précis et du vague, de l'aigu flûte vers 16) et du grave cor vers représente bien les deux pôles de la poésie verlainienne : rêverie et aspiration vers un idéal, d'une part ; acuité des sensations, d'autre part. L'idéal poétique de Verlaine est symbolisé par un mot très mallarméen : L'Azur (vers 19). L'opposition, à la rime, des mots impur (vers 18) et Azur (vers 19) met l'accent sur une quête de la pureté à travers un idéal esthétique. L'expérience poétique authentique consiste à révéler l'âme humaine et l'âme des choses et à privilégier l'épanchement du rêve (vers 16). [...]
[...] Art poétique, Jadis et naguère, Paul Verlaine De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'impair, Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint. C'est des beaux yeux derrière des voiles, C'est le grand jour tremblant de midi, C'est, par un ciel d'automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles ! [...]
[...] En privilégiant l'écho discret de l'allitération et de l'assonance plutôt que la rime, Verlaine accentue la puissance suggestive du vers. Cette musique évocatoire incarne bien l'idéal symboliste. Verlaine a une idée tout aussi précise de la façon dont il faut employer les mots en poésie. On est frappé par une exigence inhabituelle : Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise. (Vers Alors que nos auteurs classiques nous ont toujours appris à trouver le mot juste, précis, Verlaine nous recommande d'employer les mots avec une certaine confusion. [...]
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