Dans le recueil de 1668, les prologues de chaque livre — sauf le livre I — présentaient des fables qui délivraient un véritable art poétique. Or, dans le recueil de 1678-1679, les lecteurs sont habitués aux procédés du fabuliste, et ce dernier semble estimer que des exposés ne s'imposent plus. « Les animaux sont les précepteurs des hommes dans mon ouvrage. Je ne m'étendrai pas davantage là-dessus : vous voyez mieux que moi le profit qu'on peut en tirer. »
[...] Le poète dresse alors un portrait peu flatteur de lui-même dans son dernier livre et ne cesse de s'y montrer laborieux et déclinant en déclarant en XII Le Loup et le Renard que son élève le surpasse : Je fabrique à force de temps Des vers moins sensés que sa prose. Et la captatio benevolentiœ de la fable Le Renard anglais (XII, 23) est toute pessimiste : Agréez seulement le don que je vous fais Des derniers efforts de ma muse. C'est peu de chose ; elle est confuse De ces ouvrages imparfaits. [...]
[...] On me verra toujours pratiquer cet usage ; Mon imitation n'est point un esclavage ! Il essaye de s'emparer de ce qu'il transporte dans ses vers en réclamant le droit d'y mettre du sien et parfois de tout modifier, comme l'indiquent les vers ajoutés à la fable Le Milan, le Roi et le Chasseur (XII, lors de la réédition posthume du dernier livre : Je change un peu la chose. Un peu ? J'y change tout ; La critique en cela va me pousser à bout, Car c'est une étrange femelle. [...]
[...] Les animaux sont les précepteurs des hommes dans mon ouvrage. Je ne m'étendrai pas davantage là-dessus : vous voyez mieux que moi le profit qu'on peut en tirer. I. La composition des Fables Mode de fonctionnement Dans la fable double Le Héron. La Fille (VII, La Fontaine divulgue ses procédés ; même s'il sacrifie à l'animalisation conformément à la tradition des fables et des fabliaux du Moyen-Âge, sa matière d'observation est avant tout humaine : [ . ] Ce n'est pas aux hérons Que je parle. [...]
[...] Et c'est pourquoi, s'il reste un classique et s'inspire des auteurs antiques, La Fontaine éprouve malgré tout la nécessité de retravailler la matière dont il dispose et critique ainsi dans le prologue du Loup et le Renard le caractère systématique de la typologie ésopique : Mais d'où vient qu'au renard Ésope accorde un point, [ . ] J'en cherche la raison, et ne la trouve point. Quand le loup a besoin de défendre sa vie, [ . ] N'en sait-il pas autant que lui ? Je crois qu'il en sait plus ; et j'oserais peut-être Avec quelque raison contredire mon maître. [...]
[...] Il en vient ainsi à constater le peu d'effet moral des fables : l'homme n'est pas perfectible et ne peut s'instruire, on doit se contenter de lui plaire. Il met en scène l'impuissance finale du poète devant l'inertie du monde en répétant l'expression avoir beau crier et en reprenant une formule d'éloquence employée par Cicéron comme attaque de sa deuxième catilinaire : O tempora, o mores mais une telle expression paraît creuse et dépourvue d'effet, puisqu'elle occupe un seul hémistiche tandis que son inefficacité est développée sur un vers et demi : même l'éloquence classique n'est plus de mise. [...]
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