Victor Hugo est le grand-père et le « père » d'adoption de ses deux petits-enfants, Jeanne et Georges, qui ont perdu très jeunes leur père en 1871. L'Art d'être grand-père, publié en 1877, est l'un de ses derniers recueils et se consacre surtout aux enfants. Victor Hugo explique dans Océan : « Il y a des hommes qui sont faits pour la société des femmes, moi je suis fait pour la société des enfants». Mais les quatre sections du livre comprennent aussi des textes politiques, contre la loi qui restreignait la liberté de l'enseignement, par exemple.
Il ne faut pas voir uniquement dans ces pages l'image d'Épinal d'une poésie familiale et familière en définitive rassurante. Hugo pratique aussi ici une poésie très impressionniste.
Le monde vient au poète quand il dort. Dans un extrait de L'Art d'être grand-père, paru en 1877, intitulé « Le matin. – En dormant », dans la section « Fenêtres ouvertes », Victor Hugo nous montre comment l'univers rassurant du quotidien envahit sa chambre à Guernesey.
Ce fragment musical et impressionniste est insolite dans l'œuvre du visionnaire. Il repose sur une série d'impressions auditives, mais aussi visuelles, voire olfactives et tactiles. Ces perceptions mettent le monde merveilleux de l'enfance, de la campagne, de la bourgade enfin à la portée du vieil exilé par ailleurs attiré par le port et par le vent du large. Tout Hugo est donc dans ces seize alexandrins à rimes suivies où le poète disloque la syntaxe et le rythme pour restituer la variété de ses sensations.
[...] Il confond aussi parfois la nature de ces bruits. Les uns émanent d'objets comme la cloche, la truelle, le grincement d'une faux ou encore le sifflement des machines. Les autres, au contraire, proviennent d'éléments (l'eau, la mer). Enfin, les sons produits par les animaux (gazouillement des oiseaux, chant des coqs et du rouge-gorge, vrombissement de la mouche) se mêlent au concert des voix humaines (cris des baigneurs et des enfants, voix des voyageurs sur le port). Mais le tout constitue ce que l'auteur appelle au vers 1 des voix : l'écho intérieur de perceptions extérieures. [...]
[...] Conscience ordonnatrice du monde qui défilait sous ses yeux en convergeant vers lui, Hugo, présent d'un bout à l'autre d'un texte dont il semblait absent, a intériorisé la vision et poétisé le réel. Ses perceptions ont été le fruit d'une conscience réfléchissante sans laquelle la réalité resterait lettre morte. Le matin du monde à Guernesey aura donc été pour le vieil exilé un moyen esthétique d'enfermer une dernière fois le monde dans un poème. [...]
[...] Dans la chambre même, la mouche noire rappelle à la conscience du poète la présence du monde extérieur. Celui-ci est évoqué d'abord à travers la maison, dont l'espace est rendu sensible par les pas des couvreurs. Tout près du poète, côté jardin, le rouge-gorge (vers par la vertu de l'adjectif possessif mon semble chanter pour lui. Il ressuscite la joie de vivre perceptible aussi dans le gazouillis des oiseaux et des enfants assez proches de lui pour qu'il en identifie immédiatement les voix. Les uns et les autres lui rendent une jeunesse qui lui fait défaut. [...]
[...] On entend haleter un steamer. Une mouche entre. Souffle immense de la mer. Plan I. Un concert de rumeurs familières Cadrage spatio-temporel de la scène Un festival de bruits désaccordés Des sensations olfactives et tactiles associées Reconstitution d'un univers familier et rassurant. II. L'éclatement de la forme au service de l'impression brute Parataxe et désordre des sensations Dislocation du rythme et confusion des impressions Mise en relief de la sensation et extériorisation du monde intérieur. Commentaire Victor Hugo est le grand-père et le père d'adoption de ses deux petits-enfants, Jeanne et Georges, qui ont perdu très jeunes leur père en 1871. [...]
[...] Le poète de la mer ressent alors l'appel du grand large et, puissant comme l'Océan, il retrouve dans les métaphores l'écho de son souffle épique. Tout Hugo est résumé dans ces quelques vers. Le poète a perçu du monde extérieur ce qui correspond en fait étroitement à son monde intérieur. Avec beaucoup de virtuosité, il a recréé l'illusion du désordre des sensations brutes en disloquant sa syntaxe et son vers. Les phrases sont juxtaposées entre elles sans la moindre liaison syntaxique. [...]
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