Commentaire d'une citation de l'écrivain André Gide, évoquant le rôle de la contrainte dans l'art. Peut-il, et doit-il, devenir totalement "libre" de toute règle ?
[...] Cet esprit de contrainte se retrouve au XVIIème. L'outil lui- même, le langage, et plus particulièrement l'orthographe, devient l'objet d'une surveillance, avec la création de l'Académie Française par Richelieu. En outre l'existence de règles n'est pas une spécificité de la poésie : le théâtre également, et cette époque en est représentative, est régi par certains impératifs, comme la fameuse loi des trois unités, d'action, de lieu, de temps, qui s'ajoutent en fait aux impératifs de la poésie, puisque comme on peut le voir chez Racine ou Corneille, les répliques sont en rimes et en alexandrins. [...]
[...] Le sens premier de contrainte n'étant donc pas satisfaisant, nous tenterons d'expliquer dans une dernière partie ce qu'il représente vraiment, en le mettant notamment en relation avec la résistance évoquée par Gide, terme dont nous chercherons aussi le ou les sens possibles. La lecture de l'Iliade et de l'Odyssée, dont l'on peut dire qu'elles constituent les premières oeuvres littéraires (de la culture occidentale du moins), fait déjà apparaître l'existence de règles de composition, qui sont des contraintes pour l'auteur (quel qu'il soit, Homère ou un groupe d'auteurs). Ces oeuvres sont effectivement des poèmes, et les vers qui les composent obéissent à une construction particulière, fondée sur la longueur des syllabes : on parle d'hexamètres dactyliques. [...]
[...] Nous pourrions donc conclure hâtivement (avec Boileau en affirmant que l'art consiste en des règles minutieusement suivies, constituant un cadre très strict : il faut polir ses vers, obéir aux lois de composition. Une trop grande liberté avec la forme, et l'oeuvre est comparable au ruisseau qui emporte tout sur son passage, laissant le sol stérile : l'art serait donc bien toujours le résultat d'une contrainte. Toutefois ni l'art en lui-même, ni la citation d'André Gide ne s'arrêtent là. Ce dernier s'exprime dans une conférence en 1904 : il ne peut nier le siècle qui précède, ni celui qui commence dans une effervescence créatrice. [...]
[...] Ce qui retient le cerf-volant, c'est la main, et donc l'Homme. En premier lieu, voyons la main, qui résiste au cerf-volant, ce qui nous amène à la dernière phrase, et au mot de résistance : C'est sur la résistance, de même, que l'art doit pouvoir s'appuyer pour monter Nous pouvons aborder le terme résistance d'un point de vue particulier : il y a une littérature qui naît de la résistance à un régime (et ici nous quittons le plan purement esthétique), à une situation particulière. [...]
[...] C'est donc peut-être un peu en tant que sage tempérant les jeunes ardeurs que Gide déclare en 1904 : L'art est toujours le résultat d'une contrainte. Croire qu'il s'élève d'autant plus qu'il est plus libre, c'est croire que ce qui retient le cerf-volant de monter, c'est sa corde. La colombe de Kant, qui pense qu'elle volerait mieux sans cet air qui gêne son aile méconnait qu'il lui faut, pour voler, cette résistance de l'air où pouvoir appuyer son aile. C'est sur la résistance, de même, que l'art doit pouvoir s'appuyer pour monter. [...]
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