Dans son article « Villon, juge ou jugé ? », Luca Pierdominici pose la question de l'argumentation dans l'œuvre de François Villon, une œuvre qui pour lui est un plaidoyer, usant de divers points de vues : interne et externe et tentant d'établir un débat imaginaire. Ainsi, il dit : « Le Testament présente une allure argumentative interne et externe : interne, car le poète explique et justifie ses points de vue en relation avec son expérience passée […], externe, car il défend ses convictions et soutient ses idées à l'intérieur d'un débat imaginaire, qui établit tout un jeu de connivences idéales dans le temps présent avec son lecteur ou un interlocuteur éventuel. On est là en plein plaidoyer »
La majorité des écrits de François Villon qui nous sont parvenus, sont des textes de type testamentaire. Avec notamment Le Petit Testament ou Le Lais, bien que le poète refuse à le considérer comme étant un testament. Egalement Le Testament, qui est le texte le plus important et qui est comme son nom l'indique : un testament. Il s'agit ici, pour Luca Pierdominici d'y voir l'argumentation au service du plaidoyer dans une littérature de type testamentaire. Nous étudierons également les Poésies diverses, bien qu'il ne s'agisse pas de littérature testamentaire.
Nous pouvons ainsi nous interroger sur les moyens utilisés par le narrateur pour réaliser un plaidoyer, virulent par la force de son argumentation dans un testament littéraire ?
[...] Le lecteur peut cependant imaginer les filles de joie en train d'écouter la belle Heaumière. Il fait la même chose, dans la Ballade (les Contredictz de Franc Gontier), sauf qu'il ne leur donne pas la parole et qu'il décrit leur situation et leur posture lui-même, avec ironie. Il se sert de leur vie, pour montrer que sa thèse, selon laquelle il est préférable de vivre à son aise, est bien plus vraie que la leur. Pourtant ce débat n'en est pas un vrai, il n'y a pas de possibilité de répondre au narrateur et il s'agit plus d'un débat interne au narrateur que d'un débat ouvert à tous. [...]
[...] 266-268 : Parlons de chose plus plaisante ! / Ceste matière a tous ne plest, / Ennuieuse est desplaisante. Il se place ainsi dans une position de conteur souhaitant distraire son public. Il faut également voir que le narrateur est dans la condition d'un homme mourant voulant se racheter auprès des hommes avant d'avoir à se racheter auprès de Dieu. En plus de se justifier et de s'expliquer, il demande le pardon à tous. A la fin du Testament, le narrateur décrit cette réalité p v. [...]
[...] La véritable portée de ce débat est d'être une technique de plus pour en venir à ses fins : pour être écouté, pour que le lecteur adhère à ses idées et pour se disculper aux yeux de Dieu et aux yeux des lecteurs. Cette impression d'échange permet au narrateur de faire croire au lecteur qu'il est écouté. De cette manière, les lecteurs seraient plus aptes à l'écouter après avoir eu le sentiment d'avoir été entendu. Pour être écouté, il établit également une proximité avec son lecteur, une impression de complicité. [...]
[...] Le narrateur justifie ses actes par ce qu'on appelle le déterminisme. Le déterminisme est un système philosophique selon lequel les événements sont déterminés par des précédents, suivant une loi de cause à effet. Le narrateur évoque ce principe, dans Le Testament, p.92, v. 167-168 : Nécessité fait gens mesprendre / Et fain saillir le loup du boys Ainsi le mal est fait par contrainte, le mal n'est pas fait pour le mal, il y a des raisons, que l'on pourrait appeler aujourd'hui des circonstances atténuantes. [...]
[...] Par exemple, dans Le Testament, p v. 665-666 : Mais que ce jeune bachelier / Laissast ces jeunes bachelectes ? exprime le général, avec ce jeune bachelier représentatif de tous les hommes et ces jeunes bachelectes représentatif de toutes les jeunes filles. A la même page, nous retrouvons le glissement avec la situation particulière du narrateur, v. 673-676 : Se celle que jadiz servoye / De si bon cueur et loyaulment, / Dont tant de maulx et grief[z] j'avoye / Et souffroye tant de tourment Avec celle représentatif de la femme qu'il a aimé et avec j' représentatif du narrateur. [...]
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