Le héros du roman A l'ombre des jeunes filles en Fleurs, à la santé fragile, subit également les aléas de ses émotions qui lui font alterner joie profonde et mélancolie. Ainsi, lors d'une promenade aux abords de Balbec, il découvre un paysage étrange composé de trois arbres qui lui inspire une vive émotion laissant rapidement place à une tristesse marquée du sceau du regret. Il réalise la similitude de la situation avec un autre épisode de la Recherche qui est celui dit « des clochers de Martinville » lui ayant apporté un grand bonheur. Pourtant l'issue en est diamétralement opposée.
En effet, cet extrait est marqué par l'échec ; celui du narrateur dans sa tentative d'analyse face à l'impression intense qu'ont produit sur lui les arbres d'Hudimesnil. Néanmoins cet épisode est le support d'une révélation « en négatif » qui est capitale dans l'économie de l'œuvre ainsi que dans le discours métalittéraire de l'auteur.
L'aspect singulier de ce texte est qu'il s'agit d'un récit de l'intériorité qui échappe à l'analyse et à l'universalisation. A travers celui-ci, le héros s'adonne à une véritable quête de la vérité ou du MOI grâce à la « révélation », ce qui constitue au final le support de la réflexion proustienne sur le rôle de l'écriture.
[...] Dans un de ses textes, Proust explique en parlant du poète : Jusqu'à l'âge même où il n'a jamais connu cette propriété de sa nature, ce que chacun appelle plaisir ne lui en donnant pas, il est très triste de la vie. Mais plus tard il cesse de chercher le bonheur autrement que du point de vue de ces moments élevés qui lui semblent la véritable existence. De sorte qu'après chacune des occasions qu'il a eues de donner naissance à des formes où son sentiment des lois mystérieuses est déposé, il peut mourir sans regret, comme l'insecte qui se dispose à la mort après avoir déposé tous ses œufs. Il parle bien du bonheur par la création. [...]
[...] Peut-être est-ce une joie de la même sorte qui l'attend ? Sachant qu'il n'a vu ces arbres ni à Combray ni en Allemagne, une série d'hypothèses s'ensuit: les a-t-il aperçus dans sa prime enfance, dans son imagination ou dans un rêve déjà oublié ? Pendant un instant, il doute de la piste de la mémoire qui, lui donnant l'impression de devoir réfléchir, lui masque peut-être le fait que c'est une pensée qu'il doit approfondir et non un souvenir qu'il doit retrouver. [...]
[...] Or ce qui rend infiniment triste le narrateur c'est l'oubli et c'est pourquoi il ressent toujours une vive émotion ainsi qu'une immense joie lorsqu'il se souvient d'un moment de sa vie grâce à la réminiscence ; alors il retrouve comme une facette de son Moi et subit une sorte une renaissance. La nostalgie ressentie par le narrateur fait écho au trouble de l'écrivain face aux lacunes de l'inspiration et de la création. Entre les lignes, se dessine une réflexion sur l'écriture. [III La réflexion proustienne sur l'écriture Le bonheur par la création] A travers cet extrait, nous pouvons entrevoir la conception proustienne de l'écriture comme concrétisation du moi, le moi de l'écrivain. [...]
[...] Toutefois, le trouble est mis en place au début du texte par le vacillement de la conscience que le narrateur répercute sur le paysage les environs de Balbec vacillèrent L13. A partir de là, c'est le paysage qui est vu comme mobile tandis que le personnage se fixe dans une position de référent fixe, même si son point de vue est mouvant puisqu'il se trouve dans une voiture. Le héros ne prend en compte que sa propre immobilité (assis sur un siège) et donne vie aux arbres, comme à la ligne 50-51 tous trois [ ] je les voyais s'approcher ou à la ligne 83 Cependant, ils venaient vers moi Face au paysage mobile, le narrateur est passif du fait de sa position dans la voiture. [...]
[...] Le texte matérialise dans sa syntaxe même cet enchaînement et l'absence de transition crée une rupture qui appelle notre attention sur le récit et nous signifie par avance son importance. Par ailleurs, différents indices de la subjectivité sont présents: la narration à la première personne du singulier, les verbes de perception je venais d'apercevoir je regardais (L21)). Ces derniers mettent en place la rencontre d'une conscience je avec le monde qui l'entoure par l'intermédiaire des perceptions. De même, il n'y a qu'une occurrence du pronom nous qui débute l'extrait et semble indéfini (s'agit-il du narrateur et la jeune fille ? [...]
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