Aux yeux de nos contemporains, une des meilleures images jamais dressées du Moyen Age se trouve paradoxalement dans un roman écrit au XX s. Sans doute: une merveilleuse manière de pénétrer le plus long et le plus mystérieux des périodes de l'humanité est de plonger dans l'univers du Nom de la Rose d'Umberto Eco. Le mélange subtil de crime et de poésie, de péché et de sacré, d'intrigue policière et de réflexion métaphysique classe ce roman parmi les œuvres majeures de notre temps.
Cependant, certains le considèrent comme n'étant pas assez médiéval, comme exprimant des idées trop modernes et trop illuminées pour représenter de façon véridique la façon de penser du Moyen Age.
Effectivement, le roman d'Umberto Eco exhale un arôme exquis de tolérance et de cosmopolitisme. Est-ce possible au début du XIV s. ? Nous allons essayer de répondre à cette question en étudiant le rôle des Arabes dans l'œuvre.
[...] p. 38). La confusion était telle que, pendant des siècles, les trouvères croient Mahomet le dieu principal des Sarrasins (cf. M. Rodinson, op. cit. p. 42). Cit. d'après J. Le Goff, (op. cit. p. [...]
[...] Lui aussi considère l'Islam comme une incarnation de la Bête (12). Les Franciscains contemporains à Guillaume sont unanimes: l'apparition de l'Islam est la punition d'ordre pour les péchés des chrétiens. Les Arabes, pour eux, jouent donc le rôle qui a été jadis celui des Assyriens et des Babyloniens dans l'Ancien Testament. Pourtant, paradoxalement, cette répugnance et cette crainte envers les infidèles qui caractérisent le regard médiéval sur les Arabes, sont étrangères au Nom de la Rose. Elles ne sont même pas mentionnées, mais tout juste esquissées. [...]
[...] La seule personne capable de découvrir le secret du labyrinthe est donc celle qui a la faculté de discernement entre religion et science. Mais cette personne sera, comme Guillaume, dégoûtée de l'usage hypocrite de la science contre elle-même, et comparera inévitablement les deux religions. Le Nom de la Rose impose une telle comparaison. Pendant que les infidèles écrivent des traités d'optique, les chrétiens prennent des inventions ingénieuses et utiles comme les lunettes pour "de sorcellerie et de manipulation diabolique", (p. 95). [...]
[...] Aussi admiratif qu'il se montre pour les Arabes, il remarque toutefois, en parlant de leur savoir: "Une science chrétienne devra se réapproprier toutes ces connaissances, les reprendre aux païens et aux infidèles tamquam ab iniustus possessoribus", (p. 95). Mais cela lui arrive rarement, et le philosophe prend rapidement le dessus sur l'ancien inquisiteur. Comment pourrait-il renier les auteurs des meilleurs traités de cryptographie (p. 171) ou d'optique (p. 178)? Lointains et mystérieux, les Arabes ont leur présence invisible mais incontestée dans le Nom de la Rose. Leurs plantes et substances complètent le contenu du laboratoire de Séverin (p. [...]
[...] Averroès lui aussi est en même temps médecin et juriste, philosophe et théologien; le même encyclopédisme chez Al-Kindi, "l'un des brillants de l'histoire universelle" (Encyclopaedia Universalis) dont l'œuvre scientifique couvre tout le champ du savoir, des mathématiques à l'astrologie, et touche même à plusieurs techniques . pour ne citer qu'eux, et cela au X s.; la mode des savants universels viendra en Europe bien plus tard, et Léonardo da Vinci en deviendra l'emblème. 21) C'est d'ailleurs leur unique mérite pour certains, même de nos jours! "Ce que les Arabes apportent aux savants chrétiens, c'est surtout à vrai dire la science grecque thésaurisée dans les bibliothèques orientales et remise en circulation par les savants musulmans", écrit J. [...]
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