Cette dépersonnification a pour conséquence une généralisation. Plutôt que de désigner l'homme par son nom afin de l'individualiser, on préférera le désigner sous le nom de son groupe « ethnique », à savoir « l'Arabe », comme pour généraliser son cas et donc son crime à celui des autres, à celui de son peuple tout entier (...)
[...] Il est dès lors intéressant d'observer le changement de statut des personnages au cours du récit. Alors qu'au début, Daru est libre et l'arabe enchaîné, le second va, en se rendant à la prison, entraîner l'instituteur dans ses problèmes et lui faire partager son sort de condamné. Il sera seul, loin de son clan après s'être opposé au gendarme Non, dit Balducci, ce n'est pas la peine d'être poli. Tu m'as fait un affront6.») et loin du camp des Arabes comme le suggère l'inscription notée sur le tableau de sa classe. [...]
[...] Le gendarme fit un geste de salutation auquel Daru ne répondit pas, tout entier occupé à regarder l'Arabe vêtu d'une djellabah autrefois bleue, les pieds dans des sandales, mais couverts de chaussettes en grosse laine grège, la tête coiffée d'un chèche étroit et court CAMUS Albert, L'exil et le Royaume, Paris, Gallimard (Le Livre de Poche, 1679), p. 81- Ibid., p Cette déshumanisation va même jusqu'à dans la description de l'homme, très stéréotypée comme pour appuyer la généralisation. Rien dans la tenue du prisonnier ne laisse place à l'individualité. De plus, une grande partie de son corps est cachée sous du tissu. On n'y perçoit que le concept l'arabe mais pas l'individu. Balducci, dans la nouvelle, incarne très bien le colonisateur. D'ailleurs, l'Arabe ne prendra jamais la parole en sa présence, comme craintif. [...]
[...] Le rôle de l'Arabe au sein de cette nouvelle est donc complexe. Il aura, par son arrivée dans l'école, fait sortir Daru de sa solitude initiale, s'immiscant dans son intimité, mais, plongé dans un dilemme insoluble, il le fera replonger dans une solitude extrême en le quittant, l'envoyant de facto en exil. Sa dépersonnification en fait une entité qui, pour mettre cette 8 Ibid., p Ibid., p Ibid., p nouvelle en rapport avec le titre du recueil, va faire entrevoir à l'instituteur son royaume avant de le faire retomber dans son exil et dans sa solitude extrême. [...]
[...] Cette scène est très significative. Balducci est en hauteur par rapport au prisonnier, dans une position de domination, ce qui est conforté par l'utilisation du verbe trôner pour décrire sa position, ainsi que par l'adjectif première qui est signe de supériorité. En revanche, le prisonnier est accroupi (position de soumission), contre l'estrade du maître ce qui lui prête une attitude de prière, de supplication. On m'a dit de te confier ce zèbre et de rentrer sans tarder. On voit ici tout le mépris que porte Balducci pour son prisonnier, mépris repris dans le mot zèbre qui signifie d'une part un personnage bizarre, un barbare mais qui de plus, incarne symboliquement la bâtardise, de par le pelage de l'animal (à moitié blanc, à moitié noir). [...]
[...] Tu paieras Nous analyserons ici le personnage du prisonnier au sein de la nouvelle ainsi que les rapports qu'il entretient avec les deux autres intervenants, à savoir Daru et Balducci. La première chose que nous retiendrons est que son nom n'est jamais cité, contrairement au deux autres. On ne sait en fait rien de lui, sinon qu'il est arabe et qu'il a commis un meurtre qui va le conduire en prison. Il devrait être le personnage central de la nouvelle mais c'est Daru qui endosse ce rôle. [...]
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