Une question clé est posée d'entrée de jeu par J. Habermas : « La démocratie propre à l'État social (expression qu'il préfère à celle d'État-providence) peut-elle être préservée et développée au-delà des frontières nationales ? » L'objet central est donc d'explorer les options politiques pouvant remplacer la pratique néolibérale qui prévaut aujourd'hui, car pour Habermas il ne saurait y avoir de légitimité démocratique sans justice sociale. Or, dans le cadre national, il est désormais de plus en plus difficile de faire face à la concurrence mondialisée. La solution préconisée est de faire évoluer l'Union européenne vers une structure fédérale, car seule une Europe de type fédéral permettra de mettre en ?uvre en son sein une politique économique prenant en compte les objectifs sociaux ; de surcroît, une Europe ainsi renforcée au plan politique pourra contribuer efficacement à l'institution d'un « ordre cosmopolitique » ouvert sur la diversité culturelle et soucieux de réduire les inégalités sociales.
[...] Après l'État-nation Jurgen HABERMAS. Paris : Fayard pages. Trois textes de l'auteur composent ce volume consacré à l'avenir de l'État-nation dans le contexte de la mondialisation. Les deux premiers sont extraits de l'ouvrage Die postnationale Konstellation. Politische Essays (Francfort : Suhrkamp, 1998), le troisième, « L'État-nation européen sous la pression de la mondialisation », a paru dans la revue Blätter für deutsche und internationale Politik, n° Commentaire critique Une question clé est posée d'entrée de jeu par J. Habermas : « La démocratie propre à l'État social (expression qu'il préfère à celle d'État-providence) peut-elle être préservée et développée au-delà des frontières nationales ? [...]
[...] Il serait illusoire de croire que les États-nations puissent retrouver leur puissance antérieure en adoptant la « stratégie du hérisson ». Le protectionnisme nationaliste conduit à l'impasse. Quant au libéralisme postmoderne, il est incapable d'imaginer comment compenser la dérégulation nationale par une gouvernance au niveau supranational. L'issue est de développer dans la constellation postnationale certaines formes nouvelles d'autorégulation démocratique de la société. L'Europe peut jouer un rôle clé à cet égard. Habermas conteste les arguments des eurosceptiques et démontre la nécessité d'un renforcement de l'Europe politique, sans nier les difficultés à surmonter. [...]
[...] Habermas énonce un certain nombre de pistes pour y parvenir, sans pourtant mettre en avant le rôle fondamental que peut jouer l'éducation dans ce processus. Mais la construction d'une Europe de type fédéraliste n'est pas une fin en soi. Ce sont les nations toutes ensemble qui doivent renforcer leur coopération et inventer de nouveaux modes de gouvernance au niveau mondial et promouvoir l'avènement d'une « politique intérieure à l'échelle de la planète », politique qui ne requiert pas un gouvernement mondial formel. [...]
[...] L'Onu reste une communauté d'États à trop faible degré de cohésion, mais l'objectif d'un gouvernement mondial ne semble ni souhaitable (risque de despotisme) ni réaliste. Les trois textes rassemblés ici apportent des éclairages et des argumentations complémentaires, mais parfois redondantes, sur cette question fondamentale de l'invention nécessaire de nouveaux modes de régulation politique ou de gouvernance au niveau supranational afin de limiter les excès d'une régulation aveugle et myope par la seule main invisible des mécanismes de marchés mondialisés. L'argumentation de l'auteur est cohérente et se fonde pour l'essentiel sur des arguments d'ordre juridique et éthique : le déficit de légitimation démocratique des processus décisionnels et de justice sociale dans le contexte de l'économie mondialisée. [...]
[...] Pour Habermas, le processus de mondialisation est bien aujourd'hui le défi majeur, qui remet en cause le compromis constitutif de l'État social et accroît la désintégration sociale. La solution de rechange au néolibéralisme consiste à « découvrir des formes appropriées à la nouvelle donne du processus démocratique au-delà de l'État-nation » ou encore à proposer « une réponse politique aux défis de la constellation postnationale ». En effet, un retour en arrière sur les fondements des États-nations permet de mieux comprendre comment la mondialisation affecte leurs conditions de fonctionnement, mais aussi leur légitimité. C'est l'analyse à laquelle se livre l'auteur. [...]
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